ISTENQS
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Mauvaise foi, vérité et connaissance de soi

Thierry Vissac   (avril 2013)

 

Nous avons tous assisté ou participé à des conversations en impasse parce que les interlocuteurs étaient de « mauvaise foi ». Le constat est sans appel : quand une discussion atteint ce stade, quelle que soit l’importance du sujet, l’urgence d’une décision à prendre, les conséquences dramatiques d’un tel blocage, personne ne peut plus avancer.

 

Mais la mauvaise foi étant souvent attribuée à l’autre, si nous sommes d’accord sur le problème, nous ne le sommes pas sur sa solution. Comment pouvons-nous savoir si c’est l’autre ou soi qui est de « mauvaise foi » ? Sur quoi nous basons-nous pour en juger ? Qui nous a jamais appris à faire la différence entre la bonne foi et la mauvaise, chez soi autant que chez les autres ? Qui s’intéresse même à la vérité quand notre instinct de survie nous pousse plutôt à « gagner » à tout prix, même avec le mensonge ?

 

Nous manquons totalement d’intelligence émotionnelle. Notre éducation n’évoque même pas le sujet (avez-vous jamais reçu un cours sur le ressenti ?). Nous ne faisons qu’argumenter en toute circonstance. Même lorsqu’un malaise intérieur palpable nous indique que nous faisons fausse route, que nous nous fourvoyons, que quelque chose cloche, nous restons rivés à des positions intellectuelles ou morales, nous « tenons tête ». Nous sommes alors étrangers aux signaux de notre ressenti, à nos intuitions les plus intimes.

 

Pourtant, le malaise nous renseigne sur nous-mêmes bien plus précisément que les convictions politiques ou les croyances que nous martelons. Le flot de parole à la surface ne masque-t-il pas souvent un cri plus authentique ? Si nous ne savons pas ce que dit ce cri, savons-nous vraiment ce qui parle à travers nous ?

 

Prenons l’exemple d’un conflit dans un couple, terrain privilégié de la mauvaise foi. Observons les arguments et intéressons-nous au cri : si l’un des deux, au hasard d’une question pratique du quotidien, dit « Tu ne t’intéresses qu’à toi, de toute façon ! », le cri ne dit-il pas plus sûrement : « J’ai besoin que tu t’intéresses à moi ! » ? La discussion sera-t-elle la même en partant d’une affirmation ou d’une autre ? En fait, la différence est conséquente. Nous avons pris l’habitude de nous perdre complètement dans des considérations secondaires. « Tu ne t’intéresses qu’à toi » va nous amener à lister des comportements de l’autre qui ne sont pas le « cœur » du sujet… et l’autre de se défendre pour ne pas se sentir dominé. Le besoin de pointer l’erreur en l’autre et de ne pas céder, de ne pas montrer la moindre vulnérabilité, de ne pas révéler sa demande d'amour, fait que l’on peut s’embarquer longtemps dans ce type de discours périphérique. Alors que l’affirmation de notre ressenti du moment (notre propre émotion) nous sortirait rapidement de ce mauvais pas et serait une base de dialogue plus constructive.

 

À ce stade, il n’est pas utile de détailler le dialogue qui pourrait découler de cette nouvelle attitude, parce que les bases ne sont pas là. La plupart des êtres humains ne sont pas conscients de ce qu’ils ressentent. Ceux que j’interroge ne savent plus répondre à la question : « Que ressentez-vous dans l’instant ? ». Comment pourraient-ils savoir ce qui les touche, les blesse, les font réagir, dans ces conditions ? Et, surtout, comme pourraient-ils répondre de façon pertinente et constructive au moment d’un conflit, alors qu’ils sont mécaniquement emportés par la force de leurs émotions (qu’ils ne reconnaissent plus) ? Comment pourrions-nous un jour résoudre les grandes divisions humaines dans une telle « ignorance de soi » ? Comment pouvons-nous nous installer dans une confusion ? Une hygiène émotionnelle minimum gagnerait à être enseignée le plus tôt possible dans notre existence. Nous pourrions même aller plus loin et envisager de traverser la plupart de nos émotions plutôt que de les faire subir à tout le monde. Et nous pourrions finalement apprendre à dialoguer sur des sujets vitaux, pour l’amour de la vérité plutôt que par seul instinct de survie. Notre civilisation pourrait alors grandir par le simple fait qu’elle aurait appris à régénérer son mode de communication.

 

Nous sommes de mauvaise foi chaque fois que nous parlons sans connaissance de soi, de façon purement intellectuelle ou emporté par nos émotions. Quand la tête ou la blessure parle, nous ne sommes pas réellement nous-mêmes ou, plus exactement, nous ne sommes pas réellement présents à nous-mêmes, nous récitons des concepts d’un côté ou nous hurlons nos besoins personnels de façon désordonnée de l’autre. La froideur des concepts et la brûlure des cris n’ont jamais rien produit de constructif et de durable.

 

Mais rien n'est perdu si nous acceptons d'apprendre à vivre de façon plus attentive à notre ressenti, à le reconnaître, sans le perdre de vue et à l'assumer ou parfois à le traverser avant de prendre toute décision importante ou d'engager un dialogue essentiel.

 

Je place aujourd’hui ces questions de la reconnaissance du ressenti et de la traversée au cœur de toute démarche évolutive authentique.

 

 

©Thierry Vissac, Textes, photos et dessins sur toutes les pages du site .