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Masculin pacifié

 

(Note préalable : ceci est le compte-rendu de la première démarche amorcée en 2009 puis avortée en 2012.

La reprise en 2018 s'est faite sous ce nouvel angle)

 

1 - Pour une exploration des écueils masculins dans une démarche de libération

 

« Chacun de nous est un élément de base de la société, sa première cellule vivante. Si nous résistons à nous "connaître nous-mêmes" dans toutes nos facettes (sans exclure la condition humaine), nous ne pourrons pas réinventer le monde. Je renvoie donc chacun à cette nécessité première d'un "travail sur soi" qui permette de ne plus être coupé du vivant en soi. Il y a en particulier un singe dans nos habits de sage qui gagne à retrouver une place dans cette réflexion sur le devenir de notre vie ensemble » Les éclaireurs du nouveau monde, p 27

Thierry Vissac   

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Nous vivons dans une société masculine. Même si la plupart des hommes ont du mal à réaliser à quel point et comment la structure de notre vie sociale est marquée par l’empreinte de l’homme depuis toujours (en tous cas dans l’histoire connue de l’humanité), des femmes ont toujours manifesté le décalage qu’elles ressentaient dans de nombreux aspects de ce système avec leur sensibilité propre. Mais pour l’homme, le sujet est au mieux secondaire, voire inexistant. Son monopole n’est en effet pas fondamentalement remis en question, il est le principal maître des lieux. Le monde tourne ainsi depuis longtemps et rien ne semble vouloir changer sa rotation.

Lors des rencontres que j’organise, la division homme/femme (que l’on croit parfois, à tort, pouvoir se résorber parce qu’on travaille dans des groupes mixtes) est en fait toujours présente à l’arrière-plan des discussions. C’est même cet espace invisible qui commande le visible. Les hommes parlent avec la conscience de la présence des femmes et vice-versa. L’authenticité des dialogues et surtout les sujets de discussions en sont profondément affectés. Pour les hommes, une démarche de regard conscient n’a pas les mêmes implications que pour les femmes. Ces dernières sont très enthousiastes à l’idée de reconnaître leur ressenti. Il est évident que ce chemin est pour elle une voie royale, qu’elles ont une facilité pour l’emprunter et qu’elles y trouvent un début de réconciliation avec leur nature profonde, souvent étouffée dans le quotidien. Pour les hommes, l’urgence est moindre. Le système les protège de toute remise en question et une forme d’inertie pèse souvent dans les dialogues masculins quand il s’agit de cheminer au-delà de la pensée pure ou de s’aventurer dans l’exploration de sa domination sur le monde.

L’homme ne vit pas moins dans la peur que les femmes mais pas pour les mêmes raisons. Son conflit avec la femme n’est pas mis à jour. Il tremble dans son for intérieur devant la puissance de la mère, qui enfante, qui nourrit, qui élève, et retrouve ce tremblement au fond de lui devant la beauté et l’attirance. Mais, comme tout ce qui frémit en lui, il contrôle ces mouvements intérieurs. La peur d’exposer ce tremblement est immense parce que cela remet en question son statut de « mâle dominant » (« celui qui assure » et qui, dans l’imaginaire féminin/masculin, est seul capable de séduire).

Quand, dans un esprit de découverte, j’offre à quelques hommes la possibilité de se réunir pour parler ensemble et « descendre » vers les zones plus sensibles, leur contact est toujours chaleureux et vivant (voir un peu bruyant), les discussions animées, mais la « descente » ne se fait pas toujours et souvent de façon fugace. Il y a une résistance toute masculine à véritablement confronter les préjugés sur les femmes, leur propre fuite d’une sensibilité mal connue, et la remise en question de leur système de domination (avec la violence qui l’accompagne). Mais les hommes ont malgré tout une endurance réelle dans cette exploration et s’ils manquent d’enthousiasme au départ, ils ont une vraie envie d’aller au bout de ce qui les limite. Cette exploration, dans la perspective d’un monde qui cherche une nouvelle voie pour « vivre ensemble », est essentielle, fondatrice. Sans le regard des hommes sur leur propre vie intérieure, sur les conditionnements ataviques, sur le tremblement qui les traverse, il n’y aura pas de révolution, pas d'homme nouveau et pas de place nouvelle pour le féminin. Nous sommes sur un seuil où il y a encore un pas à faire. Cette page recevra régulièrement les témoignages des hommes participants de mes ateliers.

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Compte-rendu de l'atelier des hommes sur les limitations (rédigé par les participants) :

1)     La domination :

 

Tous les hommes portent en eux la volonté de dominer le monde. Et notre relation aux  femmes n’échappe pas à cette loi. Ce principe de domination du masculin est aujourd’hui dans notre société grandement facilité par les leviers du système patriarcal en place et a bien du mal, malgré nos beaux discours égalitaristes, a être reconnu et remis en question par les hommes. Nous vivons, nous pensons et nous agissons comme des dominants.

Nous prétendons admirer et "aimer" les femmes, mais, principalement, nous les méprisons et les considérons souvent comme inférieures, mystérieuses, incompréhensibles.

Quand notre domination masculine est remise en cause, la peur, la panique, peut nous faire faire n'importe quoi et notamment être violents physiquement ou verbalement. Les femmes en ont fait et en font souvent les frais à leurs dépends.

Tant que nous ne nous reconnaissons pas dans ce constat, tant que nous ne nous voyons pas utiliser les ressorts de la domination masculine dans nos relations, et dans notre façon de bâtir et de gouverner ce monde, il semble utopique de redonner leur juste place, comme un juste équilibre des choses, aux valeurs du féminin.

 

2)  L'attachement au concept :

 

Notre attachement au concept presque obsessionnel, à l'idée rationnelle, claire et précise, nous fait regarder et appréhender la vie et les relations exclusivement à partir de notre tête, nous résistons, il y a même une véritable inertie collective masculine, à redescendre plus bas dans la zone plus sensible du ventre. C'est un espace qui nous parait flou, incertain et obscur, où nous craignons que l'intuition, la perception, le sentiment et l'émotion, qui représentent pour nous des valeurs plus féminines, risquent de nous déstabiliser au point de perdre tout contrôle sur nous-mêmes et sur les autres...
Cet espace vivant et sensible qui nous touche mais que nous refusons, pour pouvoir continuer à assurer, à être à la hauteur vis à vis des femmes et des autres hommes, cet espace nous fait peur et nous le contrôlons par la force et par la violence de notre raison et de nos concepts.
Pour un masculin pacifié, nous pouvons reconnaître en nous la valeur de l'idée claire et précise tout en accueillant sans répression, et sans partir au combat, cet espace plus féminin qui nous parait souvent si flou, si incertain, si dangereux et qui justifie souvent nos protections et nos réactions violentes vis à vis des femmes...

 

3)  La violence :

La violence est l'outil principal de l'homme pour assoir la domination qu'il veut imposer sur le monde et sur la femme en particulier.
La violence, dans une ère dominée par les hommes, se retrouve dans tous les aspects de la vie humaine à tel point qu'elle est vue comme une composante indépassable de la condition humaine, un peu comme la gravité est une composante intrinsèque de l'univers. Il faut se battre, il faut être en compétition, il faut être le plus fort, il faut vaincre, c'est comme ça. En conséquence de quoi, l'histoire humaine est une longue litanie de massacres, de tueries, entrecoupée (généralement suite aux massacres) de quelques épisodes plus lucides. La violence des champs de bataille dans le monde occidental a vite été remplacée par la violence sociale, la violence du consumérisme, du tout économique, la violence du saccage de la planète.

La femme assiste depuis des siècles, silencieuse, attristée, parfois conquise par ce tourbillon, à cette longue guerre d'une moitié de l'humanité contre tous et tout. Elle a longtemps été réduite, selon l'expression populaire, à son rôle de "repos du guerrier" avant la prochaine bataille. Elle a pansé les plaies. Mais elle a aussi subi et subit encore directement la violence de l'homme, car "il faut bien" que quelqu'un paye pour les batailles perdues et les rancœurs accumulées, même si le "guerrier" ne sait plus donner de sens à ses combats. Et l'homme sera d'autant plus violent que sa quête affective et sa pulsion sexuelle en direction de la femme exacerbent ses rancœurs. Et l'homme sera d'autant plus violent si son monde de rapports de force est déstabilisé par une approche féminine plus intuitive.

L'homme pacifié est celui qui a conscience de sa propre violence, celle qui est enfouie car il ne veut pas la voir ou celle qui explose à l'extérieur et notamment en direction de la femme. L'homme pacifié est celui qui prend conscience des peurs, des attentes, des pulsions qui, parce qu'il n'y est pas répondu comme il le souhaite, le conduisent à la violence. L'homme pacifié est celui qui sait traverser ses peurs et ses attentes en en prenant la responsabilité et en redécouvrant dans cette traversée un nouveau lien avec la femme.

 

Domination


Comment traverser cette limitation ?


- Par une remise en question de notre statut de mâle dominant.

- En étant attentif à ce qui se passe en nous quand devant une femme nous affirmons des choses avec certitude ou lorsque nous défendons nos points de vue avec acharnement et opiniâtreté. 

- En prenant conscience de la condescendance, du mépris, du sentiment de supériorité, de notre absence d'écoute et de cœur souvent sous-jacents à notre manière de nous adresser aux femmes.

- En prenant conscience également :

  que dans la rencontre, nous réduisons le plus souvent la femme à un objet de consommation sexuel et/ou affectif.

  de notre sentiment de dépossession, de notre frustration, lorsque qu'une femme nous semble échapper à notre main mise.

  que notre attitude de domination recouvre la plupart du temps un sentiment d'impuissance, de petitesse et de peur devant la femme.

   que nous pouvons entrer en amitié avec notre vulnérabilité en la reconnaissant et en l’accueillant.

 

Qu'est ce que nous attendons des femmes pour nous aider ? 


- Qu’elles ne jouent pas le jeu de la domination et de la compétition entre les hommes qui s'y adonnent sans retenue

- Qu’elles acceptent la vulnérabilité de l'homme et l'accompagnent dans la reconnaissance de cette vulnérabilité.


Attachement au concept

 Comment traverser cet attachement ?


- En regardant avec attention notre attachement à cette vision conceptuelle et rationnelle du monde.

- En reconnaissant que cette capacité (conceptuelle, rationnelle) n'est pas exclusive de l'homme, la femme la possède aussi, et que nous en faisons pourtant une source d'orgueil et un domaine réservé.

- En prenant conscience qu'une vision plus intuitive nous fait peur et nous fait perdre nos repères face à une femme notamment.

- En traversant nos peurs pour s’ouvrir à cette vision plus intuitive qui peut apporter profondeur et richesse dans notre rapport au monde.

Qu'est ce que nous attendons des femmes pour nous aider ?

- Qu’elles affirment leurs intuitions dans leurs interactions avec nous et dans la conduite de leur vie.  

 

Violence

 

Comment la traverser ?

- En repérant très tôt en nous les prémisses de la violence afin de la désamorcer dans ses manifestations extérieures.

- En prenant conscience que cette violence peut être l’expression d’une volonté de domination frustrée ou incontrôlée.

- En prenant conscience que cette violence peut être le résultat d'un jugement que nous portons sur nous-mêmes parce que nous ne nous aimons pas tels que nous sommes. 

 

Qu'est ce que nous attendons des femmes pour nous aider ?


- Qu’elles n’hésitent pas à aborder le sujet de la violence en dehors des moments de crise.

- Qu’elles nous aident à la repérer très tôt par leur approche intuitive et sensible en nous invitant à la confidence de notre ressenti.

 

©Thierry Vissac, Textes, photos et dessins sur toutes les pages du site .