ISTENQS
Ici se termine enfin
Notre quête Spirituelle

- L'affaire Michel -

 

Comment sortir de l'impasse de la violence ?

 

Thierry Vissac (novembre 2020)

  

À la fin d’une année déjà saturée de souffrances, l’acte barbare et absurde de ces trois policiers, qui a soulevé de très vives émotions à travers tout le pays, est un dérapage si absolu et injustifiable qu’il nous amène à un point de rupture qu’il faut à tout prix aborder avec intelligence.

L’impasse de la violence n’est pas unilatérale. Nous devons observer ce qui se passe d’une façon globale, surtout si nous avons à cœur de voir évoluer la situation. Une autre violence serait de condamner, sanctionner et brutaliser ces policiers simplement parce qu’ils seraient perçus comme de vrais méchants dont le monde pourrait se débarrasser et ainsi devenir plus sûr et harmonieux avec les gentils qui restent. Ce fantasme tenace de la purification du corps social est intenable car les rouages de la violence sont bien plus complexes.

L’émotion est compréhensible, la révolte qui vient avec également, mais l’époque nous appelle plus que jamais à revenir à l’essentiel.

Plusieurs notions de base :

L’être humain coupé de ses émotions est une bombe à retardement.

Un policier est souvent une personne qui, au départ, est porteur d’un idéal qui cherche à apporter une contribution saine à la société (ordre, justice, régulation des délits et des crimes).

Un policier est, rapidement, une personne déçue des « réalités du terrain » et dont les conditions de travail peuvent vite faire monter une frustration extrême.

Le policier coupé de sa frustration est une bombe à retardement.

La violence naît des frustrations non éclairées et le suicide ou la violence sur autrui sont des manifestations graves et fréquentes de ces refoulements constants dans une société coupée des ressentis profonds.

Il faut restaurer une démarche de travail sur soi dans toutes les sphères de la société et en particulier dans les « forces de l’ordre ».

Je n’affirme pas que les forces de l’ordre sont indispensables sous leur forme actuelle dans une société. Une évolution devrait être envisagée sur ce plan aussi. Mais la réforme ne peut pas être que technique et superficielle. Nous sommes arrivés à ce stade de nos expérimentations sociales où nous devons faire face à une évidence : la spiritualité et un authentique « travail sur soi » ayant déserté nos existences, la plupart des êtres humains fonctionnent en aveugle pour ce qui concerne leur vie psychique et les dégâts sont considérables.

Reprenons l’exemple de cette femme ou cet homme qui entre dans la police avec un rêve d’enfant de combattre les méchants dans le monde et faire régner l’ordre et la justice. Cet idéal peut paraître naïf mais il est respectable. Or dans le processus d’intégration du système, cette personne va vite déchanter. Pour des raisons diverses, la police ne lui permet pas de faire ce travail.

Que se passe-t-il lorsqu’un idéal est constamment réprimé ? Une frustration grandit et débouche sur la violence. Si personne ne propose d’accompagnement pour cette frustration, des actes graves peuvent être commis. La réalité est qu’il n’y a pas d’accompagnement sérieux de ces frustrations, que les psychologues ne proposent pas de travail de fond sur les réalités humaines (voir les strates de l’être), que le modèle policier viril tend à refouler les sensibilités et à provoquer ainsi les débordements de violence sur des boucs émissaires (les « noirs », les « jeunes de banlieue », les SDF, etc.). « L’agent des forces de l’ordre » est avant tout un homme ou une femme (il faut noter cependant que les brutalités sont généralement le fait des hommes) qui n’est pas forcément raciste ou anti-jeunes ou méprisant à l’égard des SDF. Mais ces cristallisations sont presque inévitables dans le contexte de son travail, selon la mécanique des boucs émissaires.

Je dis alors que cette personne est coupée de sa nature profonde, qu’elle dérive dans un modèle qui n’est pas le sien (un personnage social façonné par le moule du système dans lequel il travaille) et qu’elle risque fortement de se voir passer à l’acte d’une façon qui lui aurait été impensable avant de s’engager dans cette profession.

Ma souffrance s’est évidemment d’abord tournée vers Michel. C’est insupportable d’assister au lynchage d’un homme. L’acte est injustifiable. Il est révoltant. Mais il faut très vite garder une vision plus large faute de quoi on s’enferre rapidement dans des chagrins et des violences réactionnelles.

Nous avons la possibilité de retourner la situation et de rebondir sérieusement.

Aucun être humain ne devrait être privé d’une « démarche intérieure », même si la laïcité est très frileuse à cet égard. Notre modèle social a échoué sur ce plan. Il faut cesser de diaboliser la spiritualité car tout le monde a besoin de sens, de profondeur et de vision. Au minimum, un travail de conscientisation des émotions, au mieux un regard sur le sens de notre vie.

Le racisme, la violence policière, les féminicides, la maltraitance animale, la maltraitance écologique, tous les indicateurs sont dans le rouge pour les mêmes raisons fondamentales : tous les dérapages sont des éruptions émotionnelles qui ne définissent pas les personnes qui les commettent (même si elles doivent en prendre la responsabilité) mais démontrent qu’un être humain à qui on n’apprend pas le plus tôt possible à prendre conscience de sa « vie intérieure » risque de rentrer dans l’impasse de la violence.

Je lance un appel à toute personne qui aimerait sérieusement voir notre monde évoluer à considérer cette perspective et à la rendre populaire. Parce que les propositions actuelles sont toutes indigentes.

Voir « la démarche sur deux jambes ».

 

 

 

©Thierry Vissac, Textes, photos et dessins sur toutes les pages du site .