ISTENQS
Ici se termine enfin
Notre quête Spirituelle

 

 

 

Les nouveaux marchands

du temple

 

 

 

 

Thierry Vissac - janvier 2010


 

La spiritualité a rejoint les produits les plus divers de la société de consommation. On ouvre facilement boutique dans les cercles religieux et thérapeutiques avec un petit esprit de compétition ou de marketing d'une spiritualité parfois bon marché.


Cet instinct n'est pas nouveau mais ses causes méritent notre attention. On n'ouvre pas boutique seulement par avantage professionnel, un statut gratifiant, une impression de jouer un rôle important, mais également dans une sorte de nivellement spirituel vers le bas.

 

Pour certains, ce n'est qu'une question de défi : si quelqu'un semble s'être approprié le label de l'éveillé ou du psychothérapeute, ils finissent par se dire : « Pourquoi pas moi ?» (J'ai bien connu des personnes qui ne fréquentaient les conférenciers de spiritualité ou de soins alternatifs que pour pouvoir se dire : "Je peux faire pareil"). À l'ère d'Internet, un simple copié collé permet même d'éviter de rédiger quelque chose d'original (encore du vécu. Les pages de présentation de ma démarche, entièrement copiées sur un autre site) ! En quelques minutes un site est ouvert sans même un effort de rédaction et le terrain de chasse semble vaste. Le frisson du statut vaut bien quelques compromissions !


Pourtant, j'ai noté que la plupart de ces personnes avaient été dans une démarche sincère, au début. Il y a eu comme une exigence de se décoller de la mécanique egotiste et éventuellement d'explorer d'autres avenues. Mais cet appel intime et authentique est très souvent balayé par d'autres "urgences", au fil du chemin.


La fonction fournit une forme d'apaisement de leurs propres blessures et frustrations. Ce rôle qu'ils tentent d'acquérir à moindre effort (sans qu'il soit l'aboutissement naturel et non convoité d'un cheminement authentique), peut provoquer des émotions nouvelles : ils se sentaient insignifiants, ils découvrent qu'il est possible de capter l'attention des autres ; ils se sentaient petits et le fait de réciter certaines formules spirituelles leur donne le sentiment de faire partie d'une élite ; ils se sentaient en perte de sens
et les voilà qui rejoignent un cercle d’élus ; ils se sentaient mal aimés et il leur semble que l'amour va leur être distribué sans compter.


Non seulement le boutiquier y perd l'âme de son aspiration originelle (qui n’était ni commerciale ni en recherche de compensations) mais il grossit les rangs des "marchands du temple", provoquant un rejet parfois violent de la part de l’opinion publique et des autorités (voir la lutte antisectes). Je ne m’étendrai pas sur le fait non négligeable qu’il y a peu de chance que la boutique ait autre chose à offrir que les limites du boutiquier.


J'ai conscience que ce constat ne changera rien car, une fois la boutique ouverte, la décision de la fermer pour revenir à une exploration approfondie de sa propre nature demanderait beaucoup d'humilité. On peut bien juger les politiciens qui ont vendu leur âme au diable, portés par la seule addiction au pouvoir, le mécanisme se reproduit automatiquement dans les courants spirituels, comme partout.

 

Mais cette mécanique ne peut pas avoir complètement englouti l'appel de l'âme : la mémoire de cet appel intime ressurgira. Les blessures s'apaiseront alors réellement dans un chemin intérieur de réconciliation, que l'artifice des statuts, des rôles et des exaltations passagères ne fournit pas.

 

L'urgence n'est pas à ouvrir des boutiques mais à une réconciliation de l'humain avec sa nature profonde et l'une empêche souvent l'autre.


© Thierry Vissac, Textes, photos et dessins sur toutes les pages du site .