ISTENQS
Ici se Termine Enfin
Notre Quête Spirituelle 

 

 

 

Développement personnel

et spiritualité

   Thierry Vissac

 

Les méthodes de développement personnel répondent au besoin d'améliorer la vie personnelle.
La spiritualité pourrait être définie comme la conscience que nous ne sommes pas seulement une petite personne, avec ses attentes et ses illusions, et donc que nous ne pouvons plus être aveuglés par cette impasse qui consiste à courir après nos illusions. Le projet humain est plus vaste.
Dans l'approche spirituelle, le besoin d'améliorer quoi que ce soit ou la certitude d'obtenir le bonheur par les voies de la satisfaction personnelle doivent alors en grande partie céder la place.
Pourquoi ? La structure personnelle bute toujours sur une limite car elle est une limite. Elle bute sur sa propre limite. Il n'y a pas d'expansion réelle sur le plan personnel.
L'expansion véritable que l'on pressent et à laquelle on aspire dans toutes nos démarches et nos efforts est au-delà du personnel et du relationnel (même si l'un et l'autre peuvent incidemment en bénéficier).
Il ne s'agit donc plus d'améliorer les relations ou le confort de l'existence personnelle (l'histoire de l'humanité montre que l'on n'y parvient pas) mais de réaliser notre véritable nature, libre d'attachements. C'est seulement dans cette conscience que se produit le passage vers l'œuvre spirituelle (laquelle ne nie pas l'analyse psychologique mais l'englobe dans une perception plus large de la destinée humaine).
Le couple sur lequel beaucoup d'entre nous placent leur attention et leurs espoirs n'est pas une fin en soi. Il n'est pas l'objet de l'aboutissement.
Il peut donc se continuer ou se dissoudre, c'est égal dans ce regard. Parfois, il vaut mieux une rupture revitalisante que de tenter de réparer des schémas profondément ancrés dans la frustration et l'habitude. Faire durer une relation est égal à en changer tout le temps quand les bases sont les mêmes. Je ne nie pas en cela les jeux et les joies de la relation mais les replace dans le contexte de la fin de la course.
Quoi qu'il en soit, si la relation peut être un lieu d'expression de l'ouverture du cœur, elle n'en est pas vraiment la cause. Polariser l'attention sur un instrument de la quête personnelle pour accéder à l'éveil spirituel serait donc un peu décalé dans ce regard.
Dans un livre qui m'a été envoyé pour me présenter un travail sur le couple, je lis en conclusion une phrase des auteurs : "(...) faire durer le sentiment amoureux dans toute son intensité et de façon permanente". Je retrouve cette quête en filigrane de la démarche présentée dans le texte, même si l'évocation du spirituel est présente partout.
Vous avez sans doute compris à travers mes propos que cela constitue à mon sens un des nœuds de l'illusion. Le point de référence de l'être spirituel n'est plus l'intensité ni la durée, lesquels ne sont que des fantasmes. Et si je connais les exercices qui visent à restaurer le bonheur dans le couple et leur valeur ponctuelle ou occasionnelle, il reste que l'intention à l'origine de cet espoir est faussée. Il est en effet impossible de vivre les choses sur le plan personnel de manière "permanente".
La seule permanence que l'on puisse connaître est la permanence de l'accueil de ce qui est.
Notre regard, quand il atteint une certaine maturité, grandit vers l'acceptation de ce qui est, vers l'accueil des formes diverses de l'intelligence de la Vie, lesquelles ne respectent pas souvent nos principes, nos certitudes et nos plans. Notre regard se porte alors vers un champ plus vaste, dans lequel on se déleste de nos objectifs préfabriqués, de nos attentes ataviques, de nos plans de carrière. Il ne reste qu'une âme offerte à un Plan plus vaste (dans le sens de "non limité à l'histoire personnelle") qui ne peut être saisi par le mental. C'est alors l'expérience de l'Abandon.

Pour conclure : L'histoire personnelle, le couple, la profession, sont des espaces d'expression de la joie d'être vivant et non pas des causes de cette joie. La confusion sur ce point peut conduire à la frustration et au sentiment de tourner en rond que je trouve si répandu dans les cercles de "travail sur soi".

Les écueils du développement personnel
 
L’analyse mentale limite le regard à ce que le mental peut appréhender, c’est-à-dire peu de choses.
L’analyse mentale donne une sécurité à l’ego, un cadre, une dualité rassurante, « bien et mal », ou « je suis sur la bonne voie » et « je suis sur la mauvaise voie ». Cette analyse peut jouer un rôle éphémère dans certains dialogues mais elle n’est pas une fin en elle-même. L’analyse permet de nommer ce que l’on a du mal à identifier en soi, les mécanismes, les habitudes, les certitudes héritées etc. Cela apporte un apaisement pour celui ou celle qui était dans la confusion de ce qui l’animait jusque-là. Mais le constat n’empêche pas de tourner en rond avec ces mêmes mécanismes. Parce que le regard doit grandir vers la possibilité d’un abandon des repères automatiques.
L’ego spirituel se sécurise assez bien par la pensée « j’ai vu mon ego » (ou j'ai vu mes "défauts"), par exemple. Mais si l’on ne peut pas envisager que l’on peut exister hors du cadre de l’ego, cette pensée va finalement le nourrir.
Afin de découvrir l’existence hors du cadre et des repères de l’ego (que ces repères soient spirituels, thérapeutiques ou pas), il est nécessaire de s’approcher d’un espace plus vaste en soi... qui fait peur.
Voilà pourquoi il y a un fossé réel entre la démarche de l’analyse et la nature de l’éveil spirituel.
Le désir d’améliorer sa vie personnelle dérive de l’écueil précédent. S’il est naturel que la première motivation des chercheurs soit de « se sentir mieux » ou de résoudre leurs problèmes personnels, il doit aussi y avoir une évolution vers l’élargissement du regard dont je viens de parler. Parce que la motivation essentielle, quelle que soit l’apparence qu’on lui donne, est en réalité de s’ouvrir à l’Intelligence de la Vie et non pas de lutter contre Elle, par le biais de notre intelligence limitée par ses repères, ses projections et ses attentes immatures.
La vie personnelle peut, incidemment, s’améliorer, parce qu’il est évident que le fait de rendre notre existence au flot vivant qui l’a créée est un bienfait à tous les niveaux. Mais ce n’est qu’un effet secondaire.
C’est pourquoi nous devons retrouver l’innocence plutôt qu’emmagasiner des connaissances et nous devons accueillir plutôt que contrôler. Le besoin de contrôler son existence est issu d’une interprétation erronée de la vie. Nous sommes en lutte contre une force que nous prenons pour un ennemi. La force de Vie est ce qui nous crée et nous porte. La seule amélioration réelle est celle qui provient d’un Abandon à l’Intelligence omniprésente de la Vie.
Voilà pourquoi il est important de replacer nos démarches dans une perspective moins mentale et moins personnelle. Une démarche spirituelle authentique n’est pas une négociation avec la Vie , elle est fondée sur la reconnaissance profonde que nous en sommes les bienheureux serviteurs plutôt que les maîtres ou les victimes.

 

© Thierry Vissac, Textes, photos et dessins sur toutes les pages du site .