Nous
avons vécu quelques jours de retraite à sonder notre cœur.
Pourquoi est-il bon de le sonder ?
Parce que nous le tenons à l'écart et que cette distance que nous prenons
avec lui fait qu'il n'est généralement plus l'inspiration de
notre vie.
La tourmente du monde isole le cœur des hommes. Nous pensons qu'il est nécessaire
de se battre, de s'opposer, de devenir, d'avancer, de gagner, de se protéger.
Et cette pulsion première de l'ego à la lutte est présente jusque dans
notre pensée spirituelle, jusque dans notre action.
Si nous observons avec un regard simplifié nos actions quotidiennes et nos
pensées, nous y voyons la lutte, le combat contre l'autre qui veut notre
perte, l'opposition aux éléments naturels et aux événements, qui se
dressent contre notre volonté, l'instinct du devenir qui est la négation
de ce que nous sommes à tout instant.
Cela est inscrit dans la tourmente au point que nous en sommes le plus
souvent les jouets inconscients. Celui ou celle qui lit ces mots peut les
reconnaître intellectuellement parce qu'ils ne disent rien d'extraordinaire. Mais cette reconnaissance ne suffit
généralement pas pour défaire l'emprise de la lutte en soi, qui enserre
le cœur et le maintient dans le secret, presque dans l'ombre. Il faut voir
plus loin dans les méandres de la petite personne pour réaliser à quel point nous nourrissons ce que nous croyons avoir reconnu. Mieux
encore, il est nécessaire de rendre la parole au cœur, à tous prix, pour
que la pulsion première de l'ego ne soit plus la loi et pour restaurer la
Paix au cœur même de la tourmente.
Que dit le cœur que nous avons sondé ?
Il appelle à la simplicité, à la fin de la lutte, de la division. Il
aspire à dire Oui, à s'abandonner. Il nous demande de déposer les armes.
Il nous dit de ne pas croire à la pensée, à la projection permanente du
mental qui est encore trop souvent méprise pour le Réel. Il nous dit qu'il
attend, parfois dans un torrent de larmes, de pouvoir s'exprimer. Il dit :
Je suis celui que tu attends et : Ne cherche pas
ailleurs. Il nous rappelle : Je suis ce que tu es, vraiment
et : La tourmente n'est pas nourricière. Il nous remémore les
instants "d'enfance", qui peuvent même apparaître dans l'âge
adulte, où l'innocence est le guide. Il nous dit, par-dessus tout : Je
suis ici, tout de suite et nous demande du même coup : Et toi, qui
es-tu ? Es-tu autre que moi ?
Nous comprenons sa question mais nous ne voyons pas toujours à quel point
elle implique notre action quotidienne à demeurer loin de cette réalité
qui murmure en permanence au centre de notre être. Nous sommes les acteurs
de la séparation, laquelle ne fait pas de cadeau. S'il y a séparation, même
subtile, le cœur se cache, car il n'est pas dans sa nature de lutter. Si
les milieux spirituels nous servent de terreau pour la séparation, elle est
alors encore plus insidieuse, car elle se sert des mots de la Paix pour créer
la guerre et toute la psychologie du chercheur finit par servir à dénoncer
l'autre quand notre cœur nous demandait de le retrouver tout entier en
nous, de voir que nous ne sommes qu'Un, et que cette réalité ne peut plus résonner
que dans la tête mais qu'elle doit être la sève de nos paroles et
actions.
Nous sommes unis et réunis ici pour donner un espace de sécurité à la
parole du cœur afin qu'elle n'hésite plus à reprendre sa place. Pour
cela, nous devons être bien conscients des jeux de la tourmente et de la
manière dont nous les nourrissons, parfois avec avidité, quand nous avons
entendu clairement le cri du cœur et que nous savons ce qu'implique de lui
répondre sans concession. Nous sommes réunis pour que la tourmente ne
soit plus notre guide. Et nous y revenons en confiance à chaque fois
qu'elle menace de nous happer à nouveau, et cela parce que nous voulons
maintenant répondre à la voix du cœur, sans partage.
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