ISTENQS
Ici se termine enfin
Notre quête Spirituelle

 

 

 

 

Hsin Sin Ming (Shin Jin Mei)

 

 

 

 

 

 

 

Un texte fondateur de la non-dualité

 

VI° siècle après JC

 

 

Commentaires de Thierry Vissac 

 

 

 

Quelqu'un me fait parvenir ce texte qui s'intitule : Traité de l'esprit non-duel.

Il m'a été présenté comme un écrit fondateur de la "vraie" non-dualité. J'y retrouve l'essence du témoignage d'Istenqs.

La spiritualité mentale est le sujet de ce texte. C'est une mise en garde d'actualité.

Je propose les commentaires en italique en-dessous du texte d'origine.

 

 

Pénétrer la Voie n'est pas difficile.       

Il n'y a pas d'effort particulier à fournir pour réaliser la nature de l'être. Cette précision, en introduction, adresse directement la tendance du chercheur spirituel qui approche la Voie par l'intellect et qui s'efforce, souvent avec sincérité, à la pénétrer. Il s'agit en fait de s'en laisser pénétrer. C'est à un Abandon véritable que nous sommes conviés. Mais l'Abandon n'est pas la même chose que le "laisser-aller" ...

 

Mais il ne faut ni amour ni haine, ni choix ni rejet.   

C'est la fondation de la vision d'unité. Ni amour ni haine signifie ni attraction, ni répulsion. Cela n'est pas une attitude mentale mais bien un état d'être accueillant. Cet état naturel de l'accueil est le plus souvent voilé par l'activité mentale, et particulièrement celle du chercheur spirituel, qu'il se dise non-duel ou disciple d'une autre école. Cela n'a aucune importance dans ce regard. "Ni choix ni rejet" s'adresse à nouveau à la tendance du chercheur à faire un tri parmi les mouvements naturels de la Vie, qu'ils s'animent en lui ou hors de lui en apparence, en fonction de ses préférences et aversions. Le choix de la non-dualité, par exemple, est un choix insidieux qui amène à rejeter "ce qui n'est pas de la non-dualité"... et perpétue la dualité.

 

Il suffit qu'il n'y ait ni amour ni haine.

Laisser l'habitude des attractions et répulsions se défaire est suffisant pour que se révèle la nature de la réalité. Le texte pourrait s'arrêter là, parce que cette phrase contient tout. Mais il est nécessaire de poursuivre parce qu'elle peut être récupérée par le chercheur et justifier la validité de ses attractions et répulsions les plus subtiles.

 

Pour que la compréhension apparaisse, spontanément claire.

La compréhension dont il est question n'est pas mentale. Il s'agit de la vision d'unité. Sa clarté est issue de l'absence de mentalisation.

 

Comme la lumière du jour dans une caverne.

Dans l'enfermement de nos concepts obscurs, la lumière de la réalité produit un contraste qui est souvent reconnu comme l'expérience de l'éveil spirituel. Il est bien exprimé ici une dualité lumière/obscurité qui indique sans détour que la lumière n'est pas présente dans la caverne avant qu'elle n'y apparaisse. La lumière existe avant qu'elle ne soit accueillie dans la caverne, mais l'habitant de la caverne ne peut pas prétendre l'avoir réalisée simplement parce qu'il sait, mentalement, qu'elle existe ou qu'elle est accessible sans effort.

 

S'il se crée dans l'esprit.

Mais voici le lieu où se crée le voile devant la vision d'unité, dans l'esprit, le mental.

 

Une singularité aussi infime qu'une poussière, aussitôt, une distance illimitée sépare le ciel et la terre.

Le chercheur spirituel, adepte de la non-dualité, pense avoir pourfendu les singularités. Mais cela n'est généralement vrai qu'à un niveau grossier et souvent de manière très intellectuelle. La singularité infime, celle qui est la plus subtile, fondement de la nature de l'ego, est celle qui creuse le fossé entre le ciel et la terre, entre la vision d'unité céleste et les conceptions mentales "terrestres" (on pourrait dire "terre à terre") qui n'ont pas été éclairées par la lumière du jour.

 

Si nous réalisons l'Unité ici et maintenant, les idées de juste et de faux ne doivent plus pénétrer notre Esprit.

Si la vision d'unité est réelle, c'est-à-dire non fondée sur une interprétation mentale ou un exercice de simulation intellectuelle, les idées en général, et particulièrement celles de juste et de faux, sont abandonnées simplement dès leur apparition ou ne naissent même plus dans notre esprit.

 

Ne cherchez pas la vérité.

Chercher la vérité, tout comme penser l'avoir trouvée, est une démarche du chercheur spirituel qui a déjà défini, à partir de son ignorance et de ses conditionnements, ce qu'elle est et ce qui s'y oppose, créant une dualité chérie et parfois défendue avec la même violence que celle que peuvent manifester des intégristes.

 

Seulement, n'ayez pas de préférences (attraction/répulsion). Ne demeurez pas dans les deux préjugés (désir et peur.) Ne recherchez pas le dualisme.

Il est indiqué plus précisément que c'est le fait d'entretenir la dualité, particulièrement dans ses formes les plus subtiles, qui peut voiler la nature non-duelle, paisible et lumineuse de l'être. Les préjugés et les préférences existent, ils ne peuvent être niés. C'est le fait de demeurer en eux qui est dénoncé ici. Et le fait de demeurer dans le désir et l'attirance pour certaines pensées plutôt que pour d'autres, comme le fait de fuir et de craindre ceux qui n'auraient pas les mêmes conceptions que nous, n'est qu'une manière pathétique de perpétuer la dualité. La spiritualité mentale réside dans l'activité de l'intellect qui mobilise le chercheur au point de le couper tout à fait de la réalité (une distance illimitée sépare le ciel et la terre).

 

S'il nous reste un tant soit peu de notion de juste et de faux, notre esprit sombre dans la confusion.

Un tant soit peu est l'expression qui ramène le chercheur perdu dans ses pensées spirituelles à la subtilité du voile devant la vision d'unité, entretenu à son insu par ses préférences et ses aversions. La confusion est produite par les conflits intérieurs du chercheur qui ne vit pas dans l'accueil de toute chose, qui continue à exercer une sélection de toutes les formes de la Vie.

 

Le deux dépend de l'un, ne vous attachez pas à l'un.

Dans la séquence naturelle de la manifestation, l'unité précède et féconde la dualité. Mais ce n'est pas parce que cette valeur de la vie est intellectuellement jugée "première" qu'il est nécessaire de s'y attacher. Cela reviendrait à créer une division. Ainsi, le chercheur spirituel qui "comprend" intellectuellement la nature de l'unité peut en venir à favoriser des attitudes et des rejets vis-à-vis de ce qui lui semble duel... créant malgré lui une nouvelle dualité.

 

Dans la Loi Naturelle, pas de différenciation, mais l'homme crée lui-même des oppositions.

Dans la nature paisible de l'être, il n'y a pas de différence. La différence est issue du mental. Les oppositions, qu'elles soient jugées spirituelles ou profanes, et mêmes les plus subtiles (celles qui sont infimes comme une poussière) sont fondées sur l'enfermement dans la caverne du mental qui n'a pas été éclairée par une perception directe de la réalité (par la lumière du jour).

 

Dans notre conscience, la lutte entre le juste et le faux débouche sur la maladie de l'esprit. Le gain, la perte, le juste, le faux, Je vous en prie, abandonnez-les.

L'auteur de ce texte inspiré met en garde les chercheurs spirituels contre la spiritualité mentale. Il invite à l'abandon de ces habitudes qui se sont glissées insidieusement dans les méandres de la quête spirituelle. Qu'il s'agisse de gagner l'éveil, ou d'appartenir à un groupe de connaisseurs (les participants des satsangs), la division est tout aussi grande que dans la dualité la plus commune.

 

La Conscience Cosmique Originelle est insaisissable. Nous ne pouvons comprendre que les choses différenciées.

Par le mental, le chercheur ne peut accéder qu'à la dualité, à l'analyse du monde des formes, des événements. Ce n'est pas par l'activité mentale, même apparemment très raffinée, que la nature de l'être, non-duelle, peut être appréhendée.

 

Dans le monde cosmique de la réalité telle qu'elle est, il n'y a ni ego ni autres différences.

Pour celui qui regarde le monde par la vision d'unité, et qui voit donc la réalité telle qu'elle est, il n'existe plus de différence. La nature de l'ego se dissout dans cette perception, avec toutes les différences et cela se traduit par un comportement neutre et bienveillant envers toute chose. C'est un accueil.

 

Si vous voulez réaliser le un, cela n'est possible que dans le non-deux.

On ne réalise pas l'unité par l'esprit, par le mental duel. L'unité est une vision directe, non intellectuelle, insaisissable par les mots. Le jeu des mots n'est qu'une parade devant la nature de la non-dualité.

 

Comme cela est non-deux, toutes les choses sont identiques, semblables, tolérant les contradictions.

Dans la vision d'unité, toute chose est unifiée. Il ne demeure plus d'opposition, comme celles que chérit le mental, particulièrement celui du chercheur spirituel. Les contradictions qui posaient problème au chercheur et le conduisaient à rejeter compulsivement tout ce qui ne semblait pas s'accorder à ses croyances, se dissolvent dans cette vision de Paix.

 

Si nous ne pouvons pénétrer à la source des choses, notre Esprit s'épuisera en vain.

C'est dans la vision d'unité, directe, "vécue", non mentalisée, que la quête prend fin, pas dans la compréhension mentale limitée et toujours insatisfaisante, qui conduit le chercheur à s'épuiser parce qu'il n'y trouve pas ce qu'il recherche et pressent dans son cœur.

 

Si l'esprit n'analyse pas, toutes les existences du cosmos sont une.

Hors du mental, tout est réuni en une seule existence. C'est dans l'abandon du tri mental, de l'analyse et donc des attractions et répulsions que cette vision d'unité se révèle.

 

Si nous regardons toutes les existences avec équanimité, nous retournons à notre nature originelle.

C'est dans la Paix qui naît de la vision d'unité que nous restaurons notre nature d'accueil. Toutes les complications du chercheur spirituel, ses affinités et ses choix, se résorbent dans ce regard essentiel.

 

Si nous considérons l'unité, rien ne peut être comparé. 

A nouveau, il est précisé - parce que la répétition de cette réalité n'est jamais excessive, aujourd'hui comme il y a 1500 ans - que c'est dans la vision d'unité que se résorbe la dualité, pas dans la comparaison intellectuelle des pensées.

 

La Voie est ronde, en paix, large comme le vaste cosmos, parfaite, sans la moindre notion de saisie ou de rejet.

La nature originelle de l'être est une nature d'accueil parce qu'elle peut tout inclure, comme une matrice cosmique. Elle ne peut faire de tri, de sélection, de différence, entre le juste et le faux, et même entre le duel et le non-duel, parce que toute chose est en elle.

 

En vérité parce que nous voulons saisir ou rejeter, nous ne sommes pas libres.

Après avoir affirmé la nature de l'être, nous pouvons mieux appréhender - dans la mesure de notre accueil non mental du sens de ces mots - que c'est la saisie d'une pensée spirituelle ou le rejet d'une école spirituelle et la défense de l'un et la fuite de l'autre qui produisent l'enfermement dans la caverne mentale.

 

Le sage n'est pas lié à l'action, l'homme fou aime et s'attache lui-même à l'action.

Dans la vision d'unité, l'action n'est plus la cause du bonheur recherché. Pour l'homme enfermé dans sa quête, ses affinités et ses rejets, l'action est incontournable pour se protéger de ce qu'il n'aime pas ou pour favoriser ce qu'il préfère. Cette folie occupe une bonne partie du monde à toute génération, y compris dans les cercles spirituels. L'action qui consiste, par exemple, à animer des forums spirituels qui renforcent l'enclos séparant les "non-duels" des "duels" est une de ces actions assez répandues mais dont la folie ne frappe pas toujours ceux dont la caverne n'a pas été éclairée par la lumière du jour

 

Ne courez pas après les phénomènes. Ne demeurez pas dans la vacuité.

A nouveau, ce sont les élections du chercheur spirituel qui sont désignées ici avec subtilité. Si le chercheur "non-duel" d'aujourd'hui comprend bien qu'il ne faut pas courir après les phénomènes (c'est ce qui fait, selon lui, la non-dualité), il n'appréhende que rarement le sens de ne pas demeurer dans la vacuité. Il est rappelé ici qu'il ne s'agit pas de créer un fossé entre l'absolu et le relatif, entre la dualité et la non-dualité, entre la source de toute chose et l'esprit,  pour réaliser la nature essentielle non-duelle de l'être. Ces divisions mentales, qui peuvent produire une jouissance éphémère, ne sont qu'une continuité de la division, de la distance qui sépare le ciel et la terre. Et bien qu'il s'agisse d'une division qui s'est parée des atours de la spiritualité, elle n'en a pas plus de valeur.

 

Si notre esprit demeure tranquille, il s'évanouit spontanément...

Lorsque le mental n'est plus nourri par le chercheur, qu'il n'est plus alimenté par les divisions insidieuses de la quête spirituelle, il cesse de faire un voile devant la nature de l'être.

 

Si nous demeurons aux deux extrémités (de la dualité), comment pouvons-nous comprendre l'un ?

Dans la douloureuse activité du chercheur qui oscille entre les compréhensions diverses et parfois opposées qu'offrent les livres, les conférences et ses propres cogitations, la compréhension non mentale de l'unité de toute chose est voilée. C'est la condition humaine de toutes les époques, aussi longtemps qu'elle est tenue à distance de la vision d'unité.

 

Si l'on ne se concentre pas sur l'originel, les mérites des deux extrémités seront perdus.

Dans la Paisible nature de l'être, notre nature originelle, l'attirance pour les concepts, les idées fortes et le désir de convaincre, la gloire et  la jouissance que cela peut apporter, disparaissent. Sans une assise réelle et profonde dans cette nature, les péroraisons du chercheur ne sont que du vent. Dans cette assise, la parole, même contradictoire, celle qui peut voyager sans mal d'une vérité à son contraire, est redevenue féconde.

 

Si nous nous identifions seulement à une existence, nous sommes limités par cette seule existence. Si nous suivons le Vide, nous devenons alors le Vide.

Quand l'attention du chercheur, qui pense agir au mieux dans son choix, se porte plutôt sur l'absolu que sur le relatif, plutôt sur la pensée non-duelle que la pensée New-Age, par exemple, il s'enferme dans un enclos, une caverne obscure et s'identifie à cette réalité comme si elle était toutes choses, comme s'il était parvenu à quelque chose d'ultime. Alors qu'il ne s'agit encore que d'une pensée, d'un choix, d'une préférence.

 

Même si nos paroles sont justes, même si nos pensées sont exactes, cela n'est pas conforme à la vérité. 

Peu importe la beauté et l'intelligence des mots prononcés, peu importe même qu'ils semblent s'approcher d'une description assez fine de la non-dualité, parce que celui qui les prononce n'est pas établi dans la tranquillité de sa nature essentielle. Il s'exprime depuis la caverne de ses certitudes qui n'a pas été éclairée par la lumière du jour. Ainsi, les pensées et les paroles n'expriment aucune vérité, puisque la vérité n'est pas contenue dans les mots.

 

L'abandon du langage et de la pensée nous mènera au-delà de tout lieu. Si l'on ne peut abandonner le langage et la pensée, comment réaliser la Voie ?

C'est donc bien dans l'abandon de la spiritualité mentale que se révèle la nature non localisée (au-delà de tout lieu) de l'être, dans sa nature Paisible. Celui qui s'attache à la pensée et la parole, par exemple en luttant farouchement contre les pensées qui semblent s'opposer aux siennes, même s'il croit être dans une démarche "non-duelle", s'est égaré dans une division encore plus profonde.

 

Si nous retournons à la racine originelle, nous touchons l'essence. Si nous suivons les reflets, nous perdons l'originel. 

L'origine et le but de la quête spirituelle se trouvent dans la nature Paisible de l'être qui est vision d'unité, avant la quête spirituelle et donc dans son abandon. Si le chercheur préfère le jeu de la division par les mots et les pensées, aussi spirituels soient-ils en apparence, il crée et renforce le voile qui se tient devant cette  nature originelle.

 

Si le sujet ne se manifeste pas, les phénomènes seront sans erreur. Pas d'erreur, pas d'objet, pas de sujet. Le sujet s’évanouit en suivant l'objet, l'objet sombre en suivant le sujet. L'objet peut être réalisé en tant que véritable objet par la dépendance avec le sujet. Le sujet peut être réalisé en tant que véritable sujet par la dépendance avec l'objet. Si vous désirez comprendre le sujet et l'objet, finalement vous devez réaliser que les deux sont vides. Un vide identique à l'un et à l'autre inclut tous les phénomènes.

Lorsque l'ego, et particulièrement l'ego spirituel, est à l'œuvre, attaché à l'action, pour tenter d'apporter une satisfaction, ce qu'il produit est une erreur. Quand l'ego ne se manifeste pas, dans sa vision séparatrice, il n'y a pas d'erreur. L'absence d'erreur est fondée sur l'absence d'objet, qu'il s'agisse d'objet de convoitise, ou toute autre saisie mentale qui justifie la lutte du chercheur spirituel (y compris l'éveil). S'il n'y a plus d'objet de convoitise, c'est que le sujet individuel, séparé, incomplet et en attente de se compléter, a disparu. Pas de sujet séparé, pas d'objet pour le compléter, que l'un ou l'autre disparaisse et il ne reste plus que notre nature véritable, Paisible. Dans le Vide qui surgit de leur disparition peut se révéler la nature indicible de l'être...

 

Ne discriminez pas entre le subtil et le grossier, il n'y a aucun parti à prendre.

Le rappel essentiel de ce texte réside dans le fait que l'action du chercheur spirituel, identifié aux pensées et aux paroles, aux concepts justes par opposition à des concepts qui seraient faux (un concept est toujours faux en regard de la réalité qu'il tente de désigner), est un égarement. Il n'y a pas à prendre parti pour une école spirituelle ou pour une autre. Et les écoles commencent dans la tête du chercheur. L'école non-duelle, qui s'est laissée aujourd'hui envahir par l'arrogance de ceux qui pensent avoir accédé à l'ultime, est un parti, qui ne vaut pas mieux qu'un parti politique ou que toute attitude partisane, d'autant plus regrettable qu'elle s'est développée sur le terreau de la quête spirituelle et a déjà aveuglé beaucoup de chercheurs.

 

La substance de la Grande Voie est généreuse, elle n'est ni difficile ni facile.

De quoi la Voie est-elle faite ? De générosité et donc d'accueil. Elle est au-delà des questions du chercheur qui peut se demander s'il va être facile ou difficile d'y arriver, puisque son effort s'arrête là, s'il appréhende véritablement le sens de ces mots.

 

Les intellectuels tombent dans le doute.

Ceux qui vivent une spiritualité mentale sont perpétuellement dans le conflit intérieur et la division. Mais ils entretiennent ce combat permanent parce qu'ils croient que c'est dans la tête que tout se joue. C'est une erreur ancestrale qui ne se résout que dans la vision d'unité. Les intellectuels tombent, signifie que la seule chute possible est dans le mental.

 

Dans notre corps, il n'y a aucun lieu où aller et demeurer. Si notre corps réalise profondément l'unité, nous pouvons couper instantanément toutes les relations.

Dans cette incarnation transitoire, la vision d'unité peut se manifester librement. Dans ce cas, les attaches avec "l'autre", avec les besoins, les dangers n'ont plus de raison d'être, tout étant perçu dans l'unité.

 

Si nous désirons prendre le suprême véhicule, nous ne devons pas haïr les perceptions sensorielles. Si nous ne haïssons pas les perceptions sensorielles, nous pouvons atteindre l'état de Bouddha.

L'éveil spirituel ne se manifeste pas par le rejet de quoi que ce soit. La nature Paisible de l'être est tout accueil. La vision d'unité peut se manifester dans cette incarnation pour celui qui ne juge pas les différentes manifestations de l'être, dont le corps et les émotions font partie. La Paix peut être vécue à travers ce corps, même si elle ne lui appartient pas en propre.

 

Se servir de l'esprit avec l'esprit, est-ce grande confusion ou harmonie ?

Si le mental est au service du mental, avons-nous affaire à un progrès ou à un égarement ? Le mental ne peut jouer son rôle, comme le corps, que dans le service à la nature Paisible de l'être, sans laquelle il est  un paravent plutôt qu'un canal d'expression.

 

L'esprit aliéné est sujet à l'exaltation ou la torpeur. Dans la conscience de l'unité, l’exaltation et la torpeur n’existent pas...

Le mental qui est au service de lui-même, trouvant sa jouissance dans l'adoration de ses images et de ses certitudes, s'exalte ou s'ennuie, selon la nourriture qu'il reçoit en récompense de ses efforts désespérés. Dans la vision d'unité, ces deux extrêmes qui conduisent à l'épuisement ne peuvent que se dissoudre naturellement. 

 

Nous voulons trop réfléchir à l'aspect dualiste du monde.

Il y a trop de pensées dans les cercles spirituels, trop de mots. L'adepte de la non-dualité pense qu'il doit sonder intellectuellement la vérité et cet effort conduit à la confusion et à l'assèchement du cœur.

 

Comme un rêve, un fantôme, une fleur de vacuité, ainsi est notre vie.

La vie personnelle est comme irréelle, belle comme une fleur mais née de la matrice de l'être, qui est une immensité infinie, vide de tout objet mais pleine de tous les germes des fleurs de vacuité. C'est une totalité sans nom qui contient tout, en n'étant Rien à la fois.

 

Pourquoi devrions-nous souffrir pour saisir cette illusion ?

La lutte acharnée de l'humain pour faire quelque chose de sa vie personnelle, que ce soit pour accéder à la richesse ou à l'éveil spirituel, est une absurdité en regard de notre nature originelle, laquelle ne cherche pas d'accomplissement en elle-même mais doit pourtant se révéler dans ce corps, à travers les perceptions sensorielles, pour que l'on puisse affirmer réellement son existence, dans cette incarnation.

 

Si nos yeux ne dorment pas, tous nos rêves s'évanouissent.

Dans la vision d'unité, les perceptions erronées de la vision de dualité s'évanouissent. Mais c'est bien d'un éveil qu'il s'agit, pas d'une pensée d'éveil.

 

Le deux étant impossible, l'un l'est également.

Quand le chercheur de la non-dualité a compris que nier la dualité n'était pas supérieur à nier la non-dualité, les deux pensées peuvent se dissoudre l'une et l'autre, et toutes les autres également, révélant la véritable nature de l'être. 

 

Finalement, en dernier lieu, il n'y a ni règle ni régulation.

L'intellect parvenu à l'extrémité de son impuissance, dans l'effort pour résoudre la nature de la réalité, révèle qu'il n'y a pas de lois, pas de dogmes, pas de principes... et même plus de pensées.

 

Si l'esprit coïncide avec l'esprit, le conditionnement des actions passées s'évanouit.

Et si le mental s'abandonne lui-même, au lieu de se servir de lui-même, les concepts et les conditionnements n'ont plus aucune prise. Le mental peut alors redevenir le passage d'expressions vivantes et sans poids.

 

Le doute n'existant pas, les passions disparaissent complètement, et soudain apparaît la foi.

C'est la foi qui vient prendre la place du conflit intérieur, lequel était  le lot du mental aux abois dans la quête spirituelle. La foi est un souffle vivant qui ne repose pas sur la pensée mais duquel peut émerger une pensée neuve, à chaque instant. 

 

Tous les éléments étant impermanents, il n'y a aucune trace dans la mémoire.

Toute chose étant transitoire, les pensées comme toutes les autres formes, rien ne peut demeurer véritablement. Et quand la nature de l'être s'est révélée, au-delà du mental, ce dernier ne saisit plus rien. Il n'y a pas de trace, chaque chose est vécue dans l'instant telle qu'elle se présente mais ne s'inscrit pas dans la mémoire sous forme de traumatisme ou de souvenir prégnant. 

 

Illuminer sa propre intériorité par la lumière du vide ne nécessite pas l'usage de la puissance de l'esprit.

Ce n'est pas par le mental que l'on éclaire la caverne mais par l'avènement de notre nature véritable. 

 

Les sages, l'humanité toute entière vont vers l'enseignement de la Source Originelle.

Le mouvement unique de la vie est tout entier en direction de sa source, d'où il provient. 

 

Un moment de conscience devient dix mille années.

Là où, dans le rêve, il voyait dix mille ans, l'éveillé voit un moment de conscience, au-delà du temps.

 

Ni existence ni non-existence, partout devant nos yeux. Le minimum est identique au maximum, nous devons effacer les frontières des différents lieux. L'infiniment grand est égal à l'infiniment petit, nous ne pouvons voir les limites de l'espace. L'existence elle-même n'est plus distincte de l'essence. L'essence elle-même n'est plus distincte de l'existence.

L'absolu et le relatif, la dualité et la non-dualité, tous les concepts se réunissent et se résorbent dans la vision d'unité. 

 

Si c'est ainsi, vous n'avez rien à protéger.

Dans ces conditions, comment pourrait-il y avoir le moindre désir de protéger quoi que ce soit contre quoi que ce soit d'autre ? Comment pourrions-nous avoir envie de défendre la non-dualité contre une autre école, la spiritualité contre le matérialisme, l'Occident contre l'Islam, la laïcité contre les sectes et même le juste contre le faux, toutes ces notions étant fondées sur une perception erronée ? 

 

Le un lui-même est toutes choses, toutes choses elles-mêmes sont un. 

Si c'est ainsi, est-il nécessaire de réfléchir sur l'Infini ?

L'unité est la nature réelle de la vie. Le texte en conclut que cette réalité est incontournable et ne demande pas qu'on y réfléchisse, qu'on en fasse quelque chose par la pensée, qu'on l'argumente et la défende par le mental. Cette phrase a souvent été interprétée comme signifiant qu'il n'y a rien à faire, quand le texte dans son entier indique avec clarté qu'il existe un voile qu'il est nécessaire de franchir. Ce voile est celui de la réflexion, c'est-à-dire de la spiritualité mentale. 

 

L'esprit de foi est non-deux, non-deux est l'esprit de foi.

La foi qui remplace le doute est vision d'unité. 

 

Finalement, les mots seront brisés, et passé, présent, futur ne seront plus limités....

Les mots se brisent dans cette réalisation et de leur coquille émerge leur sens profond.  Toutes les formes du sens, les coquilles, disparaissent et le fruit véritable se manifeste. L'être éternel apparaît derrière le voile des mots réducteurs et éphémères qui tentaient de le décrire ou de le saisir.

 

Si nous exprimons l'unité librement, nous sommes naturels. Si nous faisons confiance à la nature, nous pouvons être en harmonie avec la Voie.

C'est notre nature de vivre et d'exprimer la vision d'unité librement. Si nous nous abandonnons à cette nature, plutôt qu'à celle du mental diviseur, nous sommes dans le mouvement naturel de la Vie, nous sommes dans l'accueil.

 

Sengtsan (maître Tch’an)

Commentaires Thierry Vissac

 

 

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