ISTENQS
Ici se termine enfin
Notre quête Spirituelle

Le pardon

 

Thierry Vissac

 

Publié dans la revue Recto-Verseau n° 222

 

 

 

Pourquoi pardonner ? 

Avant de savoir si nous pouvons pardonner, nous devons vérifier si quelqu'un nous a réellement fait quelque chose. Nous vivons une époque où il est devenu facile de blâmer tout le monde et n’importe quoi chaque fois que nous ressentons un malaise, sans vraiment nous interroger sur l’origine du malaise, dans une recherche frénétique de « coupables » à sanctionner.

L’approche la plus fondamentale est donc de prendre la responsabilité de son ressenti. Nous pouvons être blessés par une remarque à notre sujet, par exemple, alors qu’elle est juste et appropriée. Pourquoi, alors, devrions-nous pardonner, comme si une faute avait été commise ? Nous devons prendre la responsabilité de notre malaise en reconnaissant que nous sommes touchés, mais que personne d’autre que soi n’est responsable de ce ressenti.

Si nous sommes capable de reconnaître objectivement que quelque chose nous a réellement été infligé, le pardon est un acte sain dans la mesure où il nous rappelle la possibilité que chacun fait ce qu’il croit juste et ce qu’il est capable de faire sur le moment, que nous agissons tous ainsi, et qu’il n’y a donc pas de différence fondamentale entre l’agresseur et l’agressé.

 
Pouvons-nous pardonner, est-ce à la portée de tout le monde ? 

Un vrai pardon ne peut naître que de la compassion. Un pardon vécu comme une obligation, un principe sans ancrage dans le cœur ou un exercice spirituel n’aura pas l’assise nécessaire en soi pour être authentique. La « non-différence » fondamentale entre tous les êtres, évoquée ci-dessus, est la base indispensable à un regard bienveillant sur l’autre. Le pardon est équivalent à l’amour. Nous ne pouvons aimer que ce qui nous est proche et si l’autre n’est pas perçu comme fondamentalement différent de soi, il n’est pas difficile de pardonner.

 
Pardonner consiste-t-il finalement à tout accepter ? 

Le pardon en question est équivalent à une acceptation profonde de l’autre, dans sa nature fondamentalement identique à la nôtre, et dans ses différences plus superficielles. Mais sur un plan plus pratique, une telle acceptation n’implique pas forcément la passivité. Nous pouvons pardonner à un enfant une « bêtise » tout en lui donnant les éléments de compréhension pour qu’il ne la reproduise plus. Pardonner c’est « accepter ce qui est ». Quand quelque chose s’est produit, nous ne pouvons revenir sur cette chose pour l’annuler. Nous devons l’accepter telle qu’elle s’est manifestée. Cette réconciliation est d’ailleurs la meilleure base pour pouvoir ensuite réagir sainement, répondre et éventuellement corriger chaque fois que cela est vraiment nécessaire. Mais nous réaliserons alors qu’il n’est pas si souvent approprié de réagir et que le chemin le plus sage et le plus doux est de laisser se dissoudre en soi une réaction, un malaise, une révolte, plutôt que de les projeter à l’extérieur de soi, en attente de réparation.

 
Pardonner est un acte que l’on réalise pour soi ou pour l’autre ?

Pardonner est un acte qui devrait, dans l’idéal, se réaliser sans objectif. On pardonne parce qu’il est naturel de le faire, parce que nous n’accordons plus de valeur à nous battre ou à demander réparation. C’est une façon d’être qui a évidemment des effets positifs pour tout le monde, mais comme l’effet secondaire d’une action non préméditée.

 
Le pardon est un geste indispensable pour notre paix intérieure et la paix dans le monde ?
 

L’acte indispensable à notre paix intérieure et à la paix dans le monde est de ne pas accuser l’autre. Toute guerre est fondée sur une accusation « à l’extérieur ». En prenant la responsabilité de son propre vécu, on évite d’amorcer un conflit avec quelqu’un d’autre. Avant même de pardonner, il y a la possibilité de ne pas accuser. Et pour qu’il soit possible de ne pas accuser, il faut pouvoir aimer. Pour être capable d’aimer, il est nécessaire de se réconcilier avec « ce qui est », incluant ce qui nous est donné, autant que ce qui ne nous est pas donné, ce que nous sommes et ce qui nous arrive. Si nous sommes dans une relation conflictuelle, de refus, avec tous et tout, nous ne pourrons pas aimer, et donc pardonner. Si nous retrouvons une relation plus aimante avec l’intelligence de la vie, le pardon sera un acte naturel, parmi d’autres.

 

 

  © Thierry Vissac, Textes, photos et dessins sur toutes les pages du site .