ISTENQS
Ici se termine enfin notre quête Spirituelle

La connivence des papillons

 

Thierry Vissac

 

Avril 2023

 

 

Approfondir plutôt que survoler. Ne pas faire que céder aux sirènes de la surface de la vie. La diversité a ses vertus mais elle nous abreuve d’informations plus ou moins contradictoires.  

Trouver son axe principal et l’approfondir. Voir la porte et l’ouvrir, plutôt qu’hésiter en lisant les inscriptions sur toutes les portes, trop longtemps.

Nous sommes attendus dans les profondeurs, pas perchés, ni planants. On donne l’image de celui/celle qui creuse pour chercher la nappe phréatique… et qui, au lieu de continuer en profondeur, creuse un autre trou ailleurs, par impatience, par manque d’écoute du murmure des profondeurs, par manque de compréhension de la nécessité vitale d’approfondir. De persévérer.

Il est évidemment plus facile de jouer les papillons et de butiner toutes les fleurs qui attirent le regard. Ne sont-elles pas toutes dans le même jardin ? Et puis, il y a cette connivence des papillons. On partage le même fonctionnement, en nombre.

Pourtant, le goût de cette fleur particulière qui s’est présentée à moi semblait me dire d’approfondir et je l’ai négligée. Un autre parfum, différent, « complémentaire », me titillait les narines. Il est vrai que rester au même endroit plus d’un instant, ce n’est pas dans nos habitudes. On nous apprend à « bouger », tout le temps, à « profiter » de l’abondance des stimulations sensorielles et émotionnelles. On ne sait plus aller jusqu’au nectar de la fleur, on collecte juste quelques grains de pollen. On ressent bien que c’est incomplet, que ça va trop vite mais on croit, sans questionner vraiment cette certitude, qu’il faut bouger ailleurs pour combler ce manque. Et pour peu qu’un grain de pollen nous fasse éternuer. Ah non ! Il faut se désengager, aller voir ailleurs, c’est un signe…

Approfondir. Se rappeler cet appel secret et intime.

Le chat est différent de nous, il peut être aux aguets, le regard furtif, passant d’une musaraigne à une mouche et un oiseau en quelques secondes. Il ne lui est pas demandé d’approfondir, ce n’est pas son chemin de vie. Pour nous, le parcours est plus délicat. On peut se raconter tellement d’histoires originales, sortir des sentiers battus par principe, valoriser la liberté de changer, tout le temps. Nous avons ainsi perdu le sens de l’engagement véritable. Celui de la « porte unique », comme disait le Christ, même si c’est notre porte unique et qu’elle peut avoir aussi ses propres couleurs. Mais l’herbe n’est alors pas plus verte ailleurs. Notre chemin vert est parfait et tant pis s’il n’est pas aux îles Maldives que je n’ai jamais vues.

Pour vérifier si nous sommes dans le papillonnage superficiel ou non, un bilan de vie peut être fait n’importe quand, c’est efficace : en toute honnêteté, suis-je engagé, résolu à persévérer, à approfondir, conscient de façon aiguë des pièges de la diversion (qu’on appelle diversité), de l’instinct animal de la stimulation nouvelle ? Ai-je une sensation interne d’incomplétude ou non ? Est-ce que je subis le syndrome du chercheur : croyance que quelque chose d’autre va mieux faire l’affaire, me guérir enfin, compléter ce que je n’ai pas su voir ici et qui sera peut-être visible là ? Suis-je porté par un désir de vérité qui fait la colonne vertébrale de mon chemin ou ballotté par les vents contraires comme une feuille morte ?

Le temps est peut-être venu d’approfondir, après avoir joué un peu dans le jardin. Je sais : quelque chose râle en lisant cela. Râlons un peu et puis revenons à l’essentiel : l’appel des profondeurs.

 

 

 

 

© Thierry Vissac, Textes, photos et dessins sur toutes les pages du site .