Lectio Divina
Commentaire d'un texte d'Armand Veilleux - Thierry Vissac
Je rappelais récemment à quelqu'un l'expression "lectio divina" que j'employais sur le forum Istenqs pour désigner "l'écoute attentive".
Cette écoute est la réception éveillée d'une parole afin qu'elle ne vienne pas seulement susciter une réaction épidermique ou intellectuelle mais qu'elle soit le ferment d'un éclairage intérieur. La Lectio Divina est une "lecture spirituelle" ou "lecture sacrée". Elle ouvre la porte d'un entendement plus subtil.
Voici l'extrait du discours d'un prêtre (Armand Veilleux) sur la question de la "lectio divina" qui trouve son origine dans la tradition chrétienne. Si le langage rappelle bien les préceptes du christianisme et de la vie monastique (de mon point de vue, l'expression "parole de Dieu" peut cependant être complétée par toute parole et toute rencontre au sens large du terme, sans en dénaturer le sens), vous noterez que le message rejoint directement les valeurs d'Istenqs. À lire... attentivement.
(...) Selon la méthode moderne de lectio divina, on doit lire lentement et s'arrêter à un verset aussi longtemps qu'il nourrit le coeur, ou l'esprit, sinon les émotions, et l'on passe au verset suivant lorsque les sentiments se sont refroidis ou que l'attention s'est dissipée. Les premiers moines, eux, restaient sur un verset aussi longtemps qu'ils ne l'avaient pas mis en pratique.
(...) Lorsqu'on lit un auteur ancien on n'entre pas tellement en relation avec la pensée de l'auteur qu'avec la réalité même dont parle l'auteur. C'est pourquoi il n'y a pas de compréhension d'un texte possible sans une pré-compréhension qui consiste dans une certaine relation déjà existante entre le lecteur et la réalité dont parle le texte.
(...) Le danger est que, très souvent, quoique parfois d'une façon imperceptible, on a transformé la lectio en un exercice - un exercice entre d'autres - même si on le considère le plus important de tous. Le moine fidèle fait une demi heure ou une heure et même plus de lectio par jour, et passe à sa lecture spirituelle, à ses études et à ses autres activités. Il adopte une attitude gratuite d'écoute de Dieu durant cette demi heure, et se livre souvent aux autres activités durant le reste de la journée avec la même frénésie, le même esprit de compétition, la même distraction que s'il n'avait pas choisi une vie de prière continuelle et de recherche constante de la présence de Dieu. Non seulement tout cela est totalement étranger à l'esprit des moines du désert, mais cette attitude est en contradiction avec la nature même de la lectio divina. Ce qui fait l'essentiel de celle-ci, telle qu'elle est décrite par ses meilleurs théoriciens, c'est l'attitude intérieure. Or, cette attitude n'est pas quelque chose que l'on peut revêtir durant une demi-heure ou une heure de la journée. On l'a en permanence ou on ne l'a pas. Elle imprègne toute notre journée ou l'exercice qu'on appelle "lectio" est un jeu vide. Armand VeilleuxThierry Vissac, Textes, photos et dessins sur toutes les pages du site .