ISTENQS
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Avertissement : En 2008, le magazine troisième millénaire me sollicite pour un article sur l'éveil. Je me prête au jeu de la définition. Mais je dois préciser que mon regard a changé aujourd'hui et que cet article participe involontairement à minimiser la valeur de la relation dans le processus de croissance spirituelle ainsi qu'à entretenir la notion même d'éveil qui me paraît dévoyée aujourd'hui. Lire plutôt ce texte ou "Si vous croisez un éveillé, fuyez !"
On
parle d’éveil dans toutes les écoles spirituelles, depuis le bouddhisme
jusqu’aux courants New Age plus récents. Après avoir connu des « saints »,
des « sages » et des « illuminés », nous avons,
depuis quelques temps, affaire à des « éveillés ». L’éveil
spirituel est une notion qui désigne quelque chose de précieux mais qui,
comme beaucoup d’autres, a perdu un peu de son sens.
Quel
est donc le sens de cette expression ? Que désigne-t-elle ?
À
l’origine, l’invitation à l’éveil spirituel est faite aux êtres
assoupis dans un certain sommeil. Le sommeil en question signifie le fait
de vivre dans le rêve ou dans l’illusion. L'éveil spirituel est donc l'émergence
de la conscience hors du monde fantasmagorique des illusions, un peu comme la
conscience sort du sommeil après une nuit de cauchemars.
Quelles
sont les illusions ?
La
première illusion, qui fonde toutes les autres, est la croyance que la vie
s'organise par notre intelligence personnelle (contrôle, maîtrise,
projections sur l'avenir). Cette illusion indique que l’on a perdu de vue
l'Intelligence de la Vie qui organise toute chose à tout moment.
La
seconde illusion, qui découle de la précédente, est la croyance que nous
sommes une "personne isolée", face aux autres ou contre les autres, séparée de
tous et en danger permanent (d’où nécessité de se protéger
continuellement). Une telle perception est cause de guerre, de conflit, de
violence et conduit à l'impossibilité d’être réellement en relation avec
qui ou quoi que ce soit.
Une
troisième illusion, plus dynamique celle-là, et fondée sur les précédentes,
se trouve dans le fait d’investir notre énergie exclusivement dans le
transitoire comme si les choses étaient éternelles (famille, profession,
propriétés). Cette illusion amène à la révolte et la souffrance chaque
fois que nos projets s’effondrent.
Une
autre illusion dynamique est de croire qu'il existe un(e) ou des autres
capables de
nous apporter le bonheur (cette illusion a créé le mythe de l'âme-sœur)
ou, au contraire, responsables de notre
malheur. Beaucoup de larmes sont versées à partir de cette croyance
parce que cette quête « vers l’extérieur » est sans fin et
toujours vaine.
Enfin,
la dernière illusion, particulièrement active dans les milieux
philosophiques et spirituels, conduit à croire en l'autorité et en la suprématie
de la pensée,
de l'intellect et donc du jugement.
Son corollaire consiste à se fixer des objectifs à partir de fantasmes, un
des plus courants étant celui qui promet d’« atteindre un état de béatitude
permanente » et, bien entendu, de se désespérer de ne jamais y
parvenir.
Que
produit l'éveil spirituel ?
L'éveil
spirituel, par la dissolution des croyances et illusions évoquées ci-dessus,
révèle notre unité intrinsèque avec les mouvements de la vie (contre
lesquels nous luttions en permanence), notre lien avec nos congénères (voilé
par le sentiment de séparation), l'éternité de l'existence (au-delà des
projets et objets de l'univers personnel). Dans cet éveil, nous réalisons
que nos illusions étaient la cause de toutes nos souffrances. Mais nous
voyons surtout émerger la joie et la paix qui naissent de l'accueil de ce
qui est et
l'ouverture du cœur qui en résulte relâche spontanément
l'emprise du mental, l’étau de la certitude intellectuelle et tous les
cadres étroits que nous avions pris pour "notre vie".
Et
maintenant ? Il est peu probable que ces mots produisent spontanément un quelconque éveil. Le mental y trouvera peut-être des confirmations intellectuelles ou encore des occasions de discuter mais pour que l’éveil soit une réalité vivante, il faut, un jour, faire le pas hors du cadre des conceptions.
Pour
cela, l’Intelligence de la Vie glisse parfois malicieusement quelques peaux
de bananes sous nos pieds (que nous prenons pour des obstacles se dressant
dans notre course effrénée vers nulle part), elle provoque des surprises
dans le continuum de nos projets personnels (que nous prenons pour des
entraves à notre besoin de contrôle), elle nous met en présence de rappels
de notre vraie nature (que nous accueillons tragiquement comme un sentiment de
perte, alors que seule l’illusion peut être perdue), et nous invite
(parfois sans ménagement) à revenir à ce qui est, à nous réveiller du mirage de ce que l’on voudrait qui soit et à redevenir participants et
serviteurs d’un processus immense et magistral qui s’appelle la
Vie.
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© Thierry Vissac, Textes, photos et dessins sur toutes les pages du site .