ISTENQS
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Notre quête Spirituelle
 

Cerveau mystérieux : outil de l'âme ou circuit imprimé ?

Thierry Vissac - septembre 2013 (conférence donnée à Toulouse)

Je n’ai pas de formation scientifique. Mais, depuis 30 ans que je suis investi dans la connaissance de soi, je me suis inévitablement intéressé à la question qui divise les matérialistes et les spiritualistes : Nos connaissances sur le cerveau démontrent-elles que nous ne sommes que des machines biologiques ou au contraire qu’il existe un esprit/une âme qui s’exprime par le biais du cerveau ? Et quelles conclusions peut-on en tirer pour notre espèce et son devenir ? 

Le cerveau est une structure nerveuse gélatineuse complexe qui se situe dans le crâne de certains êtres vivants. Cet organe intéresse les scientifiques depuis toujours mais les recherches récentes (à partir des années 1990) sont à mon avis les plus intéressantes. Les scientifiques qui se consacrent à l’étude du cerveau sont des neuroscientifiques. Le terme évoque le mot neurone, une cellule nerveuse du cerveau, excitable, qui véhicule un signal électrique et chimique.  

Du point de vue des scientifiques les plus durs (ou « scientifiques matérialistes », qu’on appelle aussi « scientistes » pour marquer leur extrémisme quand ils défendent leur vision matérialiste de la vie plutôt que les principes plus modestes de la science elle-même[1]), l’esprit et la conscience n’existent pas. Pour eux, le cerveau est un organe génétiquement programmé, formaté pour la survie de l’espèce, et nous ne sommes faits que d’impulsions électriques et de réflexes conditionnés. L’idée que le cerveau pourrait générer, ou faire exister la « conscience » ou « l’esprit » voire le « libre arbitre »[2] est donc, selon eux, une illusion totale ou de l’ignorance.  Pour d’autres scientifiques, croyants ou non, ainsi que pour nombre de non scientifiques qui s’intéressent à la question de la conscience humaine, le mystère est de savoir comment le cerveau génère la conscience ou comment le cerveau permet à l’âme de se manifester ou de s’exprimer.  

Dans la vision spirituelle, le cerveau est un outil que l’âme utilise. Pour les scientistes, il n’y a que l’activité mécanique du cerveau, fruit du hasard de l’évolution naturelle. Les positions sont tranchées, irréconciliables. 

La question  

En l’état actuel de nos connaissances sur le cerveau, de façon objective (et pas seulement parce que ça nous plaît et conforte nos croyances) pouvons-nous pencher du côté du point de vue scientiste ou du point de vue spirituel ? Le cerveau est-il équivalent à un circuit électronique d’ordinateur sans autre intelligence ou est-il « agi » par autre chose (l’esprit/l’âme, comme le suggèrent par exemple John Eccles (neurophysiologiste australien) et Daniel Robinson (philosophe américain, enseignant à Oxford et à Georgetown), pour qui on peut objectivement distinguer l’activité mécanique du cerveau de l’activité de l’esprit ou pour Mark Halpern[3] (informaticien américain) qui conteste l’affirmation que le cerveau ressemble au fonctionnement d’un ordinateur puisque l’ordinateur est le fruit de l’intelligence humaine et n’est pas intelligent en lui-même. Ce qui signifie qu’on pourrait dire la même chose du cerveau, qu’il est agi par l’esprit (l’intelligence) mais ne produit que les fruits de cette intelligence et non l’intelligence elle-même). Ma lecture des études les plus récentes, même opposées à la vision spiritualiste, me conduit à penser que c’est la thèse spirituelle qui est la plus probante. Plutôt que de donner des études positives vis-à-vis de la thèse spirituelle, les plus rares et les plus critiquées, je vais donner quelques exemples de recherches « négatives » et les conclusions qui peuvent en être tirées. 

L’expérience spirituelle en étude 

Il existe une discipline toute récente, la neurothéologie où des scientifiques matérialistes tentent d’expliquer les expériences spirituelles (mystiques) par la mécanique du cerveau (en particulier en les rapprochant de maladies mentales). En étudiant les chemins des neurones dans le cerveau (circuits neuronaux) qui correspondent à certaines expériences, et en activant ces chemins volontairement, ils veulent démontrer que ces expériences sont bien dans la matière du cerveau, qu’elles peuvent être stimulées mécaniquement et n’ont rien à voir avec une âme ou un esprit et encore moins l’existence d’un dieu ou d’un au-delà. Pour eux la spiritualité est juste un élément biologique qui s’est développé pour des questions de survie. Ils ont par exemple localisé ce qu’ils croient être le « gène de dieu » (voir le God Spot[4] et l’expérimentation avec le casque de Persinger[5]). Ils prétendent également que les expériences mystiques pourraient être dues à un certain type de crises d’épilepsie[6] (affection neurologique) et d’hallucinations (syndrome de Geschwind). Nous aurions donc « besoin de croire », et ce besoin serait la conséquence de l’instinct de survie et les expériences religieuses ne seraient qu’une sorte de maladie. Mais l’expérimentation de Persinger, l’hypothétique « syndrome de Geschwind » et autres spéculations du même type sont vivement critiqués au sein même de la communauté scientifique et ont été invalidés parce qu’ils n’ont pu être reproduits[7]. 

Libre arbitre et intuition 

Il y a un mystère autour de la question du libre arbitre. Pour certains scientifiques, le cerveau est un ordinateur qui anticipe et décide en solo sur la base de nos expériences ataviques et plus il est entrainé, plus il sait ce qu’il doit faire, tout seul. Mais cette conclusion n’est pas satisfaisante. Parce que notre quotidien nous confronte à tout instant à une autre réalité. La créativité de nos dialogues intérieurs, l’irruption d’intuitions fulgurantes, de ressources insoupçonnées, de sentiments saisissants, voire de prémonitions ne sont pas les produits d’une machine, ne sont pas des automatismes universels et notre capacité de décision est trop élaborée  pour cette petite masse de matière grise. Dire « c’est le cerveau qui décide » en toute circonstance reviendrait à dire qu’un ordinateur, même capable d'accumuler plus de données que le cerveau humain, saurait faire preuve de créativité. Cette interprétation n’est pas convaincante. Même pour la communauté scientifique dans son grand ensemble. 

Andrew Newberg (neuroscientifique américain) et Eugene d’Aquili (psychiatre spécialisé dans l’étude des communautés religieuses) déclarent « Nous ne croyons pas que les expériences mystiques authentiques puissent être réduites à des hallucinations d’épileptiques ou au produit d’autres états hallucinatoires (…). Les hallucinations, quelles que soient leurs causes, ne sont simplement pas capables de fournir à l’esprit une expérience aussi convaincante que la spiritualité mystique. »[8] 

Dans l’expérience spirituelle, il arrive que certaines personnes ressentent que « ce qui s’exprime en elles » dépasse leur histoire personnelle, leurs acquis personnels ou ceux de notre espèce, que certaines pensées, ressentis et inspirations sont plus subtils que les instincts préhistoriques, plus originaux surtout. Le scientiste aura tendance à ranger cette interprétation dans le tiroir des spéculations irrationnelles ou mystiques. Pourtant les expériences en neurosciences sont en passe de confirmer que l’activité humaine n’est pas qu’une mécanique. Le cerveau est le produit de notre évolution, il a déjà évolué sur des milliers d’années[9]. Il doit pouvoir le faire encore et nous permettre de développer les capacités qui peuvent régénérer notre humanité, de vivre les grandes valeurs comme la paix, l’amour, la joie et la liberté de façon que nous ne créions pas les mêmes erreurs que dans le passé. Autrement dit, l’expansion de la conscience va permettre l’expansion du cerveau.  

Jill Bolte Taylor, neuro-anatomiste, après un accident vasculaire cérébral qui l’a privée du fonctionnement mécanique de son cerveau, a vécu une expérience mystique. Son témoignage (plus que ses conclusions personnelles sur les personnalités distinctes des deux hémisphères du cerveau) me semble intéressant par sa dimension spirituelle. Il en ressort qu’elle se sentait observatrice de son fonctionnement physiologique et en particulier du cerveau, ce qui tend à apporter de l’eau au moulin de l’existence de l’esprit comme entité indépendante du cerveau : « Je suis la vie dans toute sa splendeur, je suis un océan prisonnier d’une membrane, je suis un esprit conscient et le corps que voici est l’enveloppe qui me maintient en vie (…) je suis présente  ici et maintenant et je m’épanouis en tant que forme de vie (…) je dois admettre que le vide en expansion dans mon cerveau traumatisé exerçait sur moi un attrait irrésistible. Le silence subit de ma petite voix intérieure m’offrait un répit (…) J’ai alors atteint le comble de la félicité (…) je me suis réjouie de ne plus me limiter à mes perceptions habituelles ». 

Libre arbitre en étude 

J’ai relevé deux études parmi les plus définitives censées confirmer l’absence de libre arbitre et l’incapacité pour un quelconque « esprit » d’influencer le cerveau, mais pour lesquelles une toute autre conclusion, très logique elle-même, peut être trouvée.

En 1980, Benjamin Libet (scientifique américain pionnier des études sur la conscience), à San Francisco 1, place plusieurs sujets devant une horloge à une seule aiguille qui fait le tour du cadran en une seconde. Il leur demande d’appuyer sur un bouton à l’instant de leur choix, en mémorisant la position exacte de l’aiguille au moment de la prise de décision. Du point de vue du sujet, il n’y a aucun doute, il peut dire à quel endroit se trouve l’aiguille au moment précis où il prend la décision d’appuyer sur le bouton. Sauf que l’expérimentateur a pris soin de placer des électrodes pour observer l’activité des neurones du cortex moteur et découvre que ces derniers ont commencé à s’activer avant (jusqu’à une seconde 2) le moment que le sujet pense être celui de sa propre décision. Cela signifie que l’activité cérébrale, généralement considérée comme la conséquence de la décision (le cerveau agit parce que notre volonté lui demande de le faire), en serait la cause (le cerveau s’active dans une direction précise bien avant que nous pensions faire un choix conscient).

Joaquim Brasil-Neto, au Brésil dans les années 1990, a fait une expérience 3 encore plus saisissante qui semble, elle aussi, confirmer l’illusion du libre arbitre. Il a pratiqué sur plusieurs sujets volontaires une technique appelée « stimulation magnétique transcranienne » (SMT), autrement dit l’envoi d’impulsions magnétiques sur une zone spécifique du cerveau qui commande, dans ce cas, les mouvements de la main. Les sujets avaient pour consigne d’appuyer sur un bouton avec la main droite ou la main gauche chaque fois qu’ils entendaient un son émis par l'expérimentateur. La seule chose qu’ils avaient à décider était le bouton, droit ou gauche, qu’ils allaient utiliser pour signaler qu’ils avaient bien entendu le son. Mais leur décision était apparemment une illusion, parce que c’est l’expérimentateur qui stimulait la région du cerveau en charge d’une main ou d’une autre, sans que les sujets le sachent. Pourtant, ils ont déclaré avoir choisi eux-mêmes quelle main allait appuyer sur quel bouton.

 

La confirmation semblait être apportée que l’activité cérébrale précède la volonté consciente et que nous avons l’illusion d’être les décideurs. Pourtant, le fait qu’une intention puisse être à l’œuvre quelques millièmes de seconde avant l’acte est une explication simple qui a été donnée en opposition à la conclusion si rapide et orientée de la première étude. Mais la notion même d’intention renvoie sans doute trop à la notion d’esprit pour que les scientifiques puissent l’envisager. Pour eux, seule la matière existe et si une impulsion électrique arrive avant la pensée de l’acte, c’est l’impulsion qui fait la réalité.

 

L’impression d’être le décideur est partagée par tous, jamais remise en question. Il serait même insupportable pour beaucoup de penser qu’une autre volonté puisse décider de nos propres actions. Ce serait une « perte de contrôle » inacceptable pour l’être humain contemporain. Pour un neuroscientifique, le cerveau serait pourtant capable d’anticipation, il travaillerait avant même que nous soyons conscients de ce qu’il prépare (comme le fait de retirer la main du feu avant de l’avoir décidé consciemment). Ce serait le fruit de millénaires d’expériences humaines. Dans l’esprit du scientifique matérialiste, cela répond à la question de « qui décide ? ». Le cerveau ou une volonté personnelle ? Pour lui, la réponse est claire « la mécanique conditionnée du cerveau ».

 

Les scientifiques matérialistes sont très compétents pour détailler la mécanique du cerveau mais n’expliquent pas ce qui active cette mécanique, comme si les neurones avaient une intention propre (qui ne serait pas la nôtre !). Pour un neuroscientifique matérialiste, nous n’avons que l’impression d’avoir une volonté propre, un libre arbitre. Pour le scientiste, face à de tels résultats, cette façon que nous avons de nous considérer comme auteur de l’action serait donc une sorte d’illusion. Le scientifique ne parle évidemment pas d’une volonté supérieure ou transpersonnelle à l’origine de l’action, il suppose plutôt que la mécanique du cerveau, par l’accumulation des acquis et des connaissances (habitudes et automatismes), sait ce qu’elle doit faire et que nous ne sommes que des pantins, en quelque sorte. Mais quelle intelligence complexe dans les choix de ce cerveau ! Si cette intelligence ne peut être attribuée à un esprit qui serait le nôtre, d’où vient-elle ? Le mystère s’épaissit d’autant quand le cerveau réfléchit à lui-même et qu’il semble bien dépasser sa propre structure et capable de questionner et de s’échapper des acquis.  

L’âme (NDE) 

Une autre manifestation qui vient soutenir la thèse d’un esprit indépendant du cerveau se trouve dans les expériences de mort imminente (NDE en anglais, « near death experience »). Toutes ne sont pas concluantes mais certaines n’ont pu être démenties. Le fait que des expériences mystiques puissent se produire alors que le cerveau ne fonctionne objectivement plus[10] vient contredire la thèse matérialiste affirmant que l’esprit ou la conscience ne sont que des sous-produits de processus électrochimiques dans le cerveau. Au point que, pour certains scientifiques non matérialistes, la parapsychologie et l’étude des perceptions extra sensorielles est en passe de redevenir une discipline digne d’intérêt.  

L’attention 

Des études indiquent que, par la volonté, on peut réguler ses émotions (je travaille dans ce sens dans ma démarche personnelle, même si je ne parle pas de régulation mais d’un certain type d’accompagnement qui suscite une auto-régulation) et que cette capacité d’attention est donc indépendante du cerveau conditionné (ce n’est pas le cerveau qui fait attention automatiquement mais une volonté indépendante non réflexe).  

Un scientifique du nom de Jeffrey Schwartz (psychiatre et chercheur en plasticité neuronale = la capacité du cerveau de se modifier par l’apprentissage) a fait un travail intéressant avec des personnes ayant des troubles obsessionnels compulsifs. Nous avons vu que les circuits neuronaux sont des chemins d’impulsions électriques dans le cerveau qui correspondent à des activités spécifiques. Plus ces chemins sont fréquentés, plus ils sont utilisés, plus ils se renforcent. C’est l’effet de l’apprentissage sur notre cerveau (on n’oublie pas comment faire de la bicyclette une fois qu’on l’a appris, par exemple). Pour les troubles obsessionnels compulsifs, certains rituels obligés (qui sont comme des croyances négatives, répéter la même phrase à haute voix plusieurs fois avant de s’endormir par exemple, avec la peur que si cela n’est pas fait, il va se passer quelque chose de grave) ont créé des circuits neuronaux spécifiques. Jeffrey Schwartz est parvenu par une méthode impliquant l’attention à ce que ses patients modifient ces chemins dans le cerveau, ces circuits neuronaux, afin d’éliminer ces croyances. Sur 18 patients, 12 y sont parvenus en deux mois et demi. C’est une des démonstrations que l’attention consciente (l’esprit ou la conscience, donc, en tous cas l’attention consciente) a une influence sur le cerveau et est en partie indépendante du cerveau.  

Les implications de la capacité d’attention 

Les tentatives de réduire nos capacités et notre existence à une mécanique ne sont pas convaincantes.  Nous constatons qu’il existe deux réalités qui échappent à la vision matérialiste : l’intelligence de la vie et la capacité d’attention. La lecture des recherches scientifiques nous révèle un angle mort dans l’analyse des scientistes : elles ne nous disent pas d’où vient l’intention dans le cerveau, quelle est la source de cette intelligence qui nous anime et manifestent un déni pur et simple des expériences intimes de la vie quotidienne de tout un chacun.

De plus, nous sommes dotés d’une capacité d’attention. L’attention humaine est une capacité unique qui permet à l’être humain d’être attentif à ce qu’il ressent et qu’il peut, avec un peu de pratique, gérer sa vie intérieure autrement que comme un automate (il peut à la fois reconnaître l’intelligence du vivant en lui et faire des choix. Il peut laisser être ce qu’il n’a pas besoin de contrôler et accompagner ce qui demande son attention). Même l’effet placebo[11], qui a longtemps été un sujet de dérision, présente de plus en plus d’intérêt[12] pour les chercheurs par le fait qu’il démontre le pouvoir de l’attention et de la foi sur la matière. En 1962, déjà, Paul MacLean à l’origine de la théorie des trois cerveaux, indiquait que l’être humain avait la capacité de corriger l’absence d’intégration de fonctionnement des « trois cerveaux » en pratiquant l’introspection et un travail sur soi. Le combat des scientifiques matérialistes ressemble à une lutte d’arrière-garde, un baroud d’honneur face à des évidences qui viennent bousculer les idéologies et les croyances de la science matérialiste. 

[1] La science a pour vocation de faire état des connaissances à un moment donné sur un sujet donné sans le présenter comme une vérité absolue et éternelle, au contraire des religions. Rocky Kolb, de l’université de Chicago, note que 95% de la nature nous est incompréhensible (la matière noire, etc.). Dans ces conditions, il juge exagéré d’affirmer qu’un phénomène est surnaturel simplement parce qu’il ne rentre pas dans la conception matérialiste de l’existence (…).

[2] Ces « scientifiques » défendent le déterminisme. David P. Barash (psychologue matérialiste) : « Je soupçonne que nous (même les matérialistes les plus durs) vivons une hypocrisie secrète, alors que nous défendons le déterminisme dans nos démarches intellectuelles et professionnelles, nous faisons l’expérience de notre vie subjective comme si le libre arbitre y régnait. Au plus profond de nous, nous savons que dans de multiples situations importantes (et d’autres qui le sont moins), nous disposons de quantité de libre arbitre, ainsi que les autres autour de nous. C’est incohérent ? Oui, en effet. »

[3] Article dans The New Atlantis : « La plupart des gens à l’ère des ordinateurs comprennent la distinction entre l’intelligence vivante et les outils que les hommes ont créés pour soutenir cette intelligence, des outils qui préservent le fruit de l’intelligence humaine qui les a construits, mais qui ne sont en aucune façon intelligents par eux-mêmes. »

[4] Les démonstrations les plus récentes invalident la thèse d’un « God spot » dans le cerveau  (zone qui stimulée donnerait l’impression d’avoir une expérience religieuse, allusion ironique au « g spot », le «point G » de la sexualité qui, stimulé chez la femme, provoquerait un orgasme), une aire unique localisée qui serait responsable de l’expérience religieuse, au contraire, il semble que différentes parties soient activées en même temps.

[5] Le casque de dieu (God Helmet) est un dispositif conçu pour une étude et qui générait de très faibles champs magnétiques dans le cerveau des sujets. Michael Persinger l’a utilisé pour la stimulation des lobes temporaux. Quelques participants ont rapporté la « sensation d'une présence éthérée dans la pièce » alors qu'ils portaient le casque, interprétée comme une expérience mystique. Plusieurs médias ont rapporté le phénomène en utilisant l'expression « casque de dieu ». L’étude concernait les corrélats neuronaux de la religion et de la spiritualité. Persinger conclut que ses sujets ont rapporté des « expériences mystiques et des états altérés de conscience » mais la thèse qu’il développe à partir de ses résultats a été critiquée, car les effets annoncés par Persinger n’ont pas pu être reproduits. La tentative de scientifiques suédois (dirigés par Pehr Granqvist) a échoué et ses auteurs ont suggéré que l’expérimentation de Persinger avait probablement été biaisée par la suggestibilité des sujets et l’absence de recours au double aveugle (à la fois le patient et le médecin, ou le sujet et l’expérimentateur, ne savent pas ce qu’ils donnent), ce qui veut dire que les sujets savaient ce qui était attendu d’eux.

[6] « La personnalité commandée par le lobe temporal » appelée aussi syndrome de Geschwind : « Une brève perturbation de l’activité électrique au niveau du lobe temporal est la cause d’un certain type d’épilepsie (…) Le plus souvent, ces attaques provoquent des odeurs, des goûts, des musiques ou des souvenirs enfouis (…) Existe-t-il (ndr : comme certains neuroscientifiques l’affirment) une personnalité qui serait ainsi commandée par le lobe temporal et donc prédisposée à des épilepsies et des expériences religieuses  ? (…) malgré de fréquentes citations dans la littérature populaire, les recherches n’ont pas porté leurs fruits (…). En d’autres termes, la question se pose même de savoir si ce syndrome existe réellement. » 

[7] La reproductibilité d’une étude est un des critères scientifiques majeurs pour en valider les résultats (avec la prédictibilité et la réfutabilité).

[8] Newberg et Aquili dans « Why God won’t go away ? » « Pourquoi Dieu ne partira pas »

[9] Cerveau reptilien (instincts) = Il y a environ 200 millions d'années, la vie a donné naissance au cerveau des reptiles. Cette structure est toujours présente dans le cerveau humain : le mésencéphale. Ce cerveau primitif permet des comportements stéréotypés programmés par les apprentissages ancestraux. Il domine les fonctions instinctives telles que l'établissement du territoire, la chasse, le rut et l'accouplement, l'apprentissage stéréotypé de la descendance, l'établissement des hiérarchies sociales, la sélection des chefs, la vie végétative.

Cerveau mammalien (émotions) = L'étape suivante de l'évolution a doté le cerveau reptilien d'une enveloppe corticale chez les mammifères, qui a permis à ceux-ci d’élargir leur comportement stéréotypé et de s’adapter à l’environnement. Chez tous les mammifères, le cerveau est entouré d'un cortex primitif, le rhinencéphale (ou paléencéphale). Il continue à être le siège du niveau instinctif chez l'homme comme chez l'animal (le cerveau du « singe »).

Cerveau humain (intellect) = Une troisième étape de l'évolution apparaît plus tardivement chez les mammifères les plus évolués : un néocortex enveloppant les deux autres. L'espèce dotée de ce « complément » est alors capable d'adaptations originales par rapport au milieu. Le néocortex est considéré comme la base de l'imagination. Il permet la projection dans le futur à partir du passé et la contemplation du présent. Le néocortex est aussi le siège de l’intellect. Il est évident aujourd’hui que cet intellect hyper développé est source de divisions et de tensions parce qu’il lui manque un siège de sagesse pour l’équilibrer. Les certitudes, les fanatismes, le culte de la pensée en général sont des dérives courantes de l’homme du néocortex. « L’expérience mystique », la « communion » sont en passe de produire de nouvelles aires du cortex par transmission héréditaire. Le processus d’évolution n’en est encore qu’à un stade primaire de déploiement de son potentiel. Dans des stades ultérieurs, l’homme verra sa capacité à vivre et exprimer la paix, la joie et l’amour trouver son assise sur de nouvelles aires du cerveau, au fur et à mesure de l’intégration de ses nouvelles capacités. Les explorateurs spirituels sont les vrais précurseurs du cerveau à venir qui s’adaptera de plus en plus rapidement à la capacité de l’homme nouveau à intégrer et propager de nouvelles expressions de la conscience, encore balbutiantes aujourd’hui. 

[10] Le cas de Pamela Reynolds est populaire. Cette américaine a vécu en 1991 une EMI pendant une opération d'un anévrisme géant. Enlever un tel anévrisme est très délicat et sa localisation le rend également très difficile à approcher. Pour réaliser cette opération à hauts risques, le neurochirurgien Robert F. Spetzler a pratiqué un « arrêt cardiaque hypothermique » consistant à abaisser la température corporelle à 15,5 °C et à mettre en place une circulation sanguine extracorporelle. De ce fait, Pamela Reynolds a été maintenue 45 minutes avec un électroencéphalogramme (EEG) plat, c'est-à-dire en état de mort cérébrale. Elle dit alors être sortie de son corps au moment de l'arrêt de l'EEG et a pu raconter en détail, après coup, toute l'opération à laquelle elle aurait assisté de l'extérieur : les anecdotes entre infirmières, les instruments chirurgicaux utilisés, puis une phase avec le tunnel et la lumière. L'expérience de mort imminente de Pamela Reynolds est une des plus probantes à ce jour.

[11] Voir le cas exemplaire de Janis Schonfeld, 46 ans, suicidaire, qui accepte de suivre un programme expérimental de l'institut neuropsychiatrique de l'UCLA (université de Californie à Los Angeles) pour un nouveau médicament antidépresseur dans les années 1990. Le médicament a un effet radical sur elle, plus de dépression, plus d’envie suicidaire, seulement les effets secondaires dont on l’a prévenue : les nausées quotidiennes. Sauf qu’elle n’a jamais pris le médicament, car elle était dans le groupe test utilisant une pilule de sucre. Schonfeld a guéri de son grave déséquilibre par la seule force de sa confiance dans le traitement.

[12] Herbert Benson (professeur de médecine, colloque esprit-science) : vision de la médecine idéale à trois pieds : pharmacie, chirurgie et utilisation du pouvoir de l’esprit (effet placebo, etc.) 

Lire « Le cerveau attentif, contrôle, maîtrise et lâcher-prise » de Jean-Philippe Lachaux, éditions Odile Jacob.

Lire « Du cerveau à Dieu » (the spiritual brain) de Mario Beauregard, éditions Guy Trédaniel

 
   

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